Juliette au CANADA

Après 12 ans d’étude du chinois, le moins qu’on puisse dire, c’est que je me suis retrouvée au Canada par hasard. Une fois mon Bac L obtenue, je suis partie travailler quelque temps à Hong Kong, tout en suivant en parallèle des études de chinois un peu plus poussées aux Langues’O, par correspondance. Puis j’ai voyagé en Amérique Latine et dans le Pacifique Sud, finissant par atterrir au Canada, d’où mon conjoint est originaire.

Si j’avais anticipé le choc des cultures prévisibles avec l’Orient lors de mes différents séjours en Chine, je ne savais quasiment rien du Canada. Nous avions posé nos sacs en Ontario, à Ottawa. Un point pour l’originalité : la plupart des Français atterrissent au Québec !

Mon conjoint étant sinisant et anglophone, je parlais déjà anglais, sans pour autant totalement maîtriser la langue d’un point de vue professionnel. Mes activités étaient aussi assez limitées durant mon premier long séjour au Canada : je n’avais qu’un visa de touriste, et il m’était interdit de travailler. J’ai donc profité de cette petite pause pour finir mes études par correspondance en France et obtenir mon diplôme universitaire en langue et civilisation chinoise, et pour découvrir la culture canadienne. Quelques mois plus tard, je suis revenue en France passer mes examens aux Langues’O, et j’ai en même temps posé ma candidature pour un Permis Travail Vacances (PVT), visa de travail d’un an destiné aux jeunes qui veulent découvrir le Canada. Je pensais déjà immigrer au Canada, mais souhaitais auparavant débuter ma vie professionnelle et voir si le Canada serait un pays où je pourrais vivre, si je pouvais m’y adapter.

Bien qu’ayant 20 ans et peu d’expérience professionnelle derrière moi, j’ai rapidement trouvé mon premier poste, dans un centre d’appel. Salaire moyen et longues heures, mais il faut bien ça pour la fameuse « première expérience canadienne » ! Pendant un an, je suis passée de petits jobs en petits jobs, souvent intéressants, qui m’ont permis de devenir vraiment bilingue et de m’intégrer dans la société canadienne. J’ai en même temps entamé les démarches d’immigration, et ai obtenu un visa de résidence permanente fin 2005.

Depuis 15 mois, je suis professeur de français au gouvernement fédéral. Je travaille dans une école privée qui forme les fonctionnaires fédéraux aux standards linguistiques : en effet, selon la loi, la plupart des cadres doivent être complètement bilingues et de nombreux postes nécessitent un minimum de maîtrise de la langue française. Poste qui peut paraître loin de ma formation en chinois, mais qui me convient parfaitement : je suis dans le domaine de la linguistique et enseigne à des adultes de tous horizons… y compris des immigrés chinois !

Je ne regrette absolument pas mon immigration dans le contexte actuel des choses : d’abord, j’aime le Canada et me sens à l’aise dans ce pays bilingue, ouvert à l’immigration et aux cultures étrangères. Ensuite, même si j’ai bénéficié de l’éducation française, peu de perspectives s’offraient à moi… Pas assez diplômée, trop jeune, trop diplômée, pas assez d’expérience, je n’avais jamais l’impression d’entrer dans la bonne case… même à 20 ans !

Je ne regrette pas non plus mon choix de vivre dans une province anglophone. La grande majorité des Français immigrant au Canada s’installe au Québec (et parmi eux, un nombre non négligeable s’installe à Montréal…), mais je n’ai pas été tentée. Un clivage – psychologique et réel – existe bel et bien entre le Québec et le Canada anglophone (surnommé « ROC » pour « Rest of Canada »…), on parle même des « deux solitudes ».
Si j’aime la langue française, j’apprécie de vivre en anglais, et mon bilinguisme m’a toujours largement servi pour trouver un emploi. Si j’aime la culture européenne, je trouve mon compte dans les provinces anglophones, qui sont à mon avis loin d’être des « petits clones américains ».
En ce qui concerne la fiscalité, j’aime le système socialiste et préfère payer des impôts (qui sont ici prélevés à la source) pour que les habitants bénéficient de services variés et d’une protection sociale. Les provinces anglophones, sans être autant taxées que le Québec, offrent une sécurité sociale, un bon système éducatif, des aides diverses etc.
Plus subjectivement, il me semble toujours que le Québec, en quête d’une identité, pratique l’assimilation de ses immigrants, tandis que le reste du pays pratique l’intégration sans avoir de but unitaire que les grands principes démocratiques. C’est une chose à laquelle je suis sensible après avoir vécu en Chine, occidentale, me sentant comme une éternelle étrangère dans un pays dont je parlais pourtant la langue…

A chacun son choix, mais des possibilités existent donc bel et bien hors Québec pour les immigrants bilingues !

Pour plus d’information, n’hésitez pas é mon contacter via mon blog (bilingue, of course) : http://zhu-canada.blogspot.com

Juliette Bossard-Giannesini