LE BICULTURALISME EST ESSENTIEL
Auteur : Besnier USA
Contact :

" Trop peu de gens sont correctement formés en France pour affronter l’expatriation. Il ne suffit pas de connaître la langue pour réussir son implantation dans un pays étranger. Il faut avoir une bonne connaissance des moeurs, des façons de penser, du contexte. Aux Etats-Unis par exemple, les Français doivent faire attention à leur mentalité agressive, beaucoup trop abrasive pour les Américains. " Paul Bensabat, numéro un du groupe Besnier aux USA, se montre assez réservé sur les capacités naturelles d’adaptation des Français à l’étranger.

Installé depuis plus de quinze ans outre-Atlantique, le président de la section nord-est des Etats-Unis des conseillers du commerce extérieur, est un fervent défenseur du biculturalisme, de la compréhension en profondeur de la culture locale, seule solution selon lui, pour réussir une implantation durable à l’étranger. Et Paul Bensabat peut avancer quelques arguments pour faire valoir son point de vue : Besnier USA, qui réalisait 15 millions de francs de chiffre d’affaires en 1982, est aujourd’hui le cinquième fromager des Etats-Unis, où il emploie 1400 personnes pour un chiffre d’affaires dépassant trois milliards de francs.

L’aventure de Besnier aux USA illustre parfaitement cette nécessité de bien intégrer les moeurs locales. Les habitudes de consommation américaines sont en effet très différentes des habitudes françaises. Le fromage n’est pas un produit culinaire à part entière mais un ingrédient associé à certaines préparations, notamment aux hamburgers. On ne mange pas de fromages à base de lait cru et la plupart des spécialités connues en France sont là-bas complètement inconnues. Besnier a donc dû adapter sa stratégie dès son arrivée en 1978, aux moeurs locales. " Au début, nous n’avions aucune crédibilité ", se souvient Paul Bensabat. " Il nous a donc fallu prendre notre temps, avec la confiance de notre maison-mère, pour nous imposer progressivement. "

La première étape décisive a consisté à racheter une unité de production existante, dans le Wisconsin et à monter de toutes pièces un circuit de distribution pour un fromage commercialisé sous une marque locale, le "Tradition de Belmont". " Pour adapter cette usine à nos méthodes de production nous avons fait venir de France l’un de nos meilleurs techniciens. Il était censé rester trois ou quatre ans et il est encore là ! " Ce directeur d’établissement est toutefois l’un des deux seuls Français à diriger une usine Besnier aux Etats-Unis. Les quatre autres unités sont managées par des Américains. Une explication à cela : Besnier s’appuie désormais sur une double stratégie pour asseoir son développement : un marché de niche avec des produits typés comme le Camembert et le Brie et un marché de masse qui s’appuie sur des produits de grande consommation, telle la mozarella que l’entreprise française produit dans les usines Sorrento, dont elle a récemment fait l’acquisition.

Seule une dizaine de Français travaille au sein de Besnier USA. Ils occupent principalement des postes de management, à la direction industrielle du groupe, ou dans sa branche commerciale. " Il est important qu’il y ait un certain nombre de Français aux postes clés pour transmettre la culture du groupe ", commente Paul Bensabat. "Le transfert de notre savoir-faire est capital, tout comme notre vision industrielle. Nous apportons notre technologie, nos méthodes de gestion qui sont, il faut le croire, efficaces puisque nous avons remonté en trois ans une affaire en grande difficulté. " De leur côté, les responsables américains travaillant pour Besnier sont, comme les Français, choisis pour leur biculturalisme et viennent fréquemment en France se ressourcer au pays du fromage.

Du point de vue administratif, l’implantation d’un Français aux Etats-Unis ne pose pas de problème majeur. " Les expatriés disposent d’un visa de transfert qui dure trois ou cinq ans, qui peut être renouvelé sur demande. " Les rapports avec les salariés américains ne posent pas non plus de problèmes insolubles dans la mesure où chacun accepte de s’adapter au mode de communication de l’autre. " Nous avons une usine syndiquée à Buffalo, nos relations avec le personnel n’en sont pas moins excellentes. Nous maintenons, dans le contrat que nous signons avec les syndicats, nos droits de management complet. Nous pouvons embaucher et licencier comme nous le souhaitons. Tout est question de doigté, de dialogue. Il faut surtout faire attention de ne pas charger nos rapports d’agressivité, ce travers bien français. "

Paul Bensabat
Président Directeur Général
Besnier USA