'' L'ARGENTIN N'EST NI UN COW-BOY NI UN INDIEN SUR UN CHEVAL DANS LES RUES DE BUENOS-AIRES ''
Auteur : ADECEF Technology
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"Une part importante de notre activité est liée au Télécom. Nous recherchions tous les pays susceptibles de moderniser leur réseau. En l'occurrence, l'Argentine, comme le Mexique venait de concéder une licence d'exploitation à des opérateurs étrangers. A priori, c'était un marché qui allait connaître une croissance intéressante dans notre domaine d'activité", explique Jean-Jacques Piclin, directeur technique de l'entreprise spécialisée dans la conception et la fabrication de systèmes permettant de mesurer des pressions, débits, niveaux par le biais d'appareils de télémesure et de télégestion.

Au même titre que le Mexique, le Vietnam, la Malaisie ou l'Indochine, l'Argentine faisait partie des cibles d'ADECEF Technology. Le hasard d'une rencontre donnera un coup de pouce providentiel au projet, celle de Pablo Maffeï, un jeune Argentin alors en cours de préparation d'une thèse de Doctorat d'état de troisième cycle à la faculté de Nancy. Mieux, son père est président de Degrémont Argentine et Brésil, structure assurant le traitement de l'eau dans ces pays. L'homme a bien évidemment des contacts. Il bâtit un planning de rendez-vous pour les dirigeants d'Adecef Technology. Faute d'être suffisamment fiable, l'idée de travailler avec des distributeurs locaux est abandonnée. En revanche, aucune visite ne s'est avérée négative. "On s'est aperçu très vite que le marché allait se débloquer. Or, pour répondre aux appels d'offres, il fallait une présence locale."

Fin août 1992, au terme du voyage d'études qui a duré une dizaine de jours, la décision est prise. Adecef Technology s'implante en Argentine et confie les rennes de la filiale à Pablo Maffeï. "Dans ce type de missions, il est, au préalable, indispensable de se fixer des objectifs. Ce que ne font pas toujours les Chambres de Commerce ou les organisations professionnelles. Souvent, on rencontre beaucoup de monde par le biais des ambassades ou des PEE (Postes d'Expansion Economique), mais dès que l'on remonte dans l'avion, c'est fini. Les quelques succès que nous avons pu avoir l'ont été grâce à la personne que nous avions sur place. Elle pouvait, après notre départ, négocier, faire des essais..."

Ayant soigneusement préparé le terrain, l'entreprise a très vite démarré. En trois jours, les statuts juridiques liés à la création de la filiale ont été réalisés grâce à l'intervention d'un cabinet d'avocats connu du père de Pablo. Trois mois après et suite à un appel d'offres, elle obtenait une première commande qui permettait d'amortir tous les frais engagés la première année. L'entreprise a ouvert un bureau commercial, un atelier de maintenance, embauché quatre personnes sur place et un VSNE. La question de l'expatriation ne s'est pas posée. "C'est une solution coûteuse et nous avions une grande confiance en Pablo, qui s'est attaché à trouver les compétences techniques au niveau local. En dehors du business, les cultures sont très différentes. Ce qui est très insupportable, pour nous Européens, c'est la tchache lors des rencontres d'affaires. Pendant une heure et demie, ils vont parler de la famille, du match de polo et seulement après attaquer le business." Là encore, le passage par un interlocuteur local s'avère salvateur.

Si aux niveaux technique et commercial tout s'est bien déroulé, au plan financier, par contre, l'expérience s'est révélée être une catastrophe, aux dires de Jean-Jacques Piclin. "Les banques, la Coface... c'est une horreur. C'est très bien pour de l'export de proximité, mais lorsque vous parlez d'un contrat de deux millions de dollars en Argentine, le banquier devient fou. Pour lui, l'Argentine c'est encore des cow-boys, des Indiens sur leurs chevaux dans les rues de Buenos Aires. L'Argentin a encore l'image du sauvage qui tire des coups de feu en l'air. Malheureusement, je ne plaisante pas!"

Concrètement, la mise en place d'un crédit acheteur a duré un an et demi, pour trois jours en Italie et coûté une fortune en cautionnements et garanties Coface. "C'est un système qui se négocie en fonction du marché monétaire. De la haute finance. Malheureusement, les banques françaises ne savent pas jouer avec ça. Durant cette période, nous avons dû livrer sans être payé. Le client voulait nous régler sans le pouvoir. Pour une PMI qui fait la chasse à la trésorerie, la solution c'est la lettre de crédit confirmée et révocable." Un document signé par le client et le fournisseur, relativement rapide à mettre en oeuvre. "En revanche, il est parfois psychologiquement difficile à faire passer auprès de grands opérateurs."

Si la fiscalité taxée à 38 % apparaît peu intéressante, la possibilité de transferts de technologie, paraphés par les ministères de la Coopération et du Commerce Extérieur des deux parties, permet d'être rémunéré avec des taxes maximum de 2 % à 3 %, alors que dans cette situation la Pologne, par exemple, impose une surtaxe de 50 % liée à la valeur ajoutée. C'est pour l'Argentine un moyen de développer l'activité économique. "L'une des erreurs à éviter est de considérer les Argentins comme des sous-développés. Les Français sont très forts dans ce domaine. Ils arrivent en pays conquis. Et ont du mal à adapter leurs produits aux spécificités locales. Il faut regarder les habitudes, les technologies utilisées localement. Les Français sont très forts pour le franco-français", observe couramment Jean-Jacques Piclin, dont l'une des premières tâches fut de concevoir de nouveaux logiciels et notamment de les traduire en espagnol. "A part çà, le problème, c'est quinze heures d'avion. ça fait mal aux jambes. Mais la confiance n'exclut pas le contrôle".

Jean-Jacques Piclin
Directeur Technique
ADECEF Technology