" Il y a généralement trois façons d’arriver au Brésil. A la barre d’un voilier,
pour occuper un job dans une grande entreprise, ou pour suivre une femme. C’est
mon cas. Je suis marié à une Brésilienne depuis vingt-neuf ans et je partage mon
temps depuis lors, entre la France et le Brésil. " Jean-Pierre Bernard a
le parler direct qui caractérise les hommes d’action. Cet ingénieur des ponts,
devenu consultant international, peut il est vrai se passer de précautions oratoires
pour évoquer un pays qu’il pratique depuis près de trente ans. " Un pays
au potentiel formidable, que nous n’abordons pas toujours de la meilleure façon
" confesse-t-il sans masquer une certaine irritation à l’égard des Français
qui tentent l’aventure brésilienne. " Il est temps de considérer les Brésiliens
comme des adultes et d’entendre ce qu’ils attendent de nous. Ils demandent tout
simplement que l’on travaille sur place et qu’on leur fournisse des produits et
des services de qualité. Les constructeurs automobiles français l’ont compris
un peu tard, mais ils l’ont compris. "
" Quand je suis arrivé au Brésil en 1969 ", se souvient-il, "
c’était un autre monde. A l’époque, tout était à faire, les routes, les ponts.
Depuis les choses ont bien changé. " Après avoir exercé ses talents d’ingénieur
pour le compte d’un bureau d’études, pris la direction d’un projet immobilier,
effectué une longue mission au Portugal, Jean-Pierre Bernard s’est peu à peu
tourné vers le conseil, notamment en informatique. " Les Français n’étaient
alors pas très sérieux en matière de transfert de technologie. Ils vendaient
des services qui n’existaient pas. Cela ne pouvait naturellement pas fonctionner
bien longtemps. "
A la décharge des Européens, il concède toutefois que le Brésil n’était à l’époque
pas un pays très intéressant pour les entreprises occidentales, avec une inflation
qui atteignait plus de 1 % par jour. " Le seul intérêt était de faire de
la trésorerie, en plaçant son argent le matin, pour le retirer le soir avec
une plus-value. "
Depuis la mise en oeuvre du plan Real, en 1994, la restructuration de l’industrie
et la libéralisation de l’économie, les données du problème ont fondamentalement
changé. " Le Brésil représente désormais une formidable opportunité de
développement pour les entreprises. C’est un pays qui a été fermé pendant trente
ans, très demandeur de bons produits. Mais attention, pondère Jean-Pierre Bernard,
trois conditions sont requises pour réussir là-bas : " S’appuyer sur une
structure performante. On ne se sauve pas d’une situation difficile en France
en allant s’implanter là-bas. Avoir un minimum d’expérience à l’export et proposer
un produit ou un service exceptionnel. Inutile d’aller fabriquer des manches
à balais au Brésil, ils sont importés de Chine à des prix défiant toute concurrence.
En revanche, les Brésiliens sont preneurs de bonnes machines et de services
performants. "
L’exportation, Jean-Pierre Bernard n’y croit guère. " Les Brésiliens veulent
que vous produisiez sur place. Et puis, vous évitez ainsi les risques induits
par une législation extrêmement complexe et une administration imprévisible.
Les produits importés peuvent être bloqués pendant des semaines sans aucune
explication rationnelle. " L’idéal pour une PME française est, selon lui,
de reprendre une entreprise existante, afin de disposer d’un point d’appui local
et d’une première clientèle. " Mais il faut y aller doucement et se montrer
extrêmement prudent. Pas de joint venture à moins de 51 % par exemple et il
ne faut pas compter sur les partenaires locaux pour investir. Ils n’ont pas
d’argent. "
Cela étant, les opportunités se sont multipliées ces dernières années dans
ce pays dix-sept fois grand comme la France, où les quatorze plus grands constructeurs
automobiles du monde sont installés ou en cours d’installation. " L’une
des solutions pour les PME françaises peut être de se regrouper pour adopter
une logistique commune. Il est, quoi qu’il en soit, capital de choisir la région
de Sao Paulo pour une première implantation. Saint Paul, comme on dit là-bas,
reste l’incontournable place-forte économique du pays. " Quant à l’indispensable
maîtrise de la langue, Jean-Pierre Bernard balaie l’obstacle d’une formule lapidaire.
" Le portugais, pour un gars moyennement doué, ça s’apprend en deux mois.
"
Jean-Pierre Bernard
Président Directeur Général
B et A Gestion