Les relations franco-brésiliennes
La multiplication des rencontres entre autorités et représentants de divers
secteurs de l'économie française et brésilienne ces dernières années, ainsi
que la rencontre des présidents Jacques Chirac et Fernando Henrique Cardoso
sont les témoins du souhait de créer et d'élargir les opportunités des relations
économiques entre la France et le Brésil.
Le moment est très favorable pour la France comme pour le Brésil. Chacun a
de bonnes raisons de vouloir séduire son interlocuteur. La France compte profiter
des progrès économiques faits par le Brésil. Et celui-ci veut tirer parti de
la position incontournable que l'Hexagone occupe dans l'Union Européenne.
Les difficultés économiques qu'a affrontées le Brésil au cours des années 1985-1995,
ainsi que les aléas de sa politique commerciale, ont réduit considérablement
les échanges entre le Brésil et la France pendant cette période. La politique
d'ouverture déployée à partir de 1990, à laquelle le président Cardoso est resté
fidèle, et le plan de stabilisation mis en route en 1994, ont jeté les bases
d'une progression d'échanges entre les deux pays.
Le Brésil redevient "intéressant".
La base de ce plan de stabilisation a été l'introduction d'une nouvelle monnaie,
le "Real". L'inflation qui était de 2 489 % par an en 1994 est passée
à 11 % en 1996 (elle a été de 6% en 1997). Le Brésil crée donc des conditions
pour une croissance économique soutenue et l'Etat se libère des fonctions dépassées
à partir d'un large programme de privatisations, ce qui lui permet peu à peu
de concentrer ses énergies et ressources dans le domaine social, ainsi que dans
des programmes de santé, d'éducation et d'habitation.
Le Brésil a été identifié l'année passée par l'UNCTAD (Conférence des Nations
Unies pour le Commerce et le Développement), comme étant le deuxième récepteur
d'investissements étrangers parmi les pays en développement avec 9.5 milliards
US$ d'investissement. Pour l'année 1997, ce chiffre devra atteindre 15 milliards
US$.
La stabilité économique est sans doute à l'origine des avantages comparatifs
offerts par le Brésil aux investisseurs mondiaux. Mais les dimensions de son
marché, les taux de croissance de son économie et les ressources humaines sont
également des facteurs toujours pris en compte lors d'une décision d'investissement
dans ce pays. Le Brésil est actuellement l'un des pays qui offre les meilleures
conditions aux sociétés étrangères pour financer l'innovation. Après la Chine,
le Brésil devient le second pôle d'attraction de capitaux étrangers parmi les
économies émergentes.
Le Brésil et le Mercosur
De plus, le Brésil est le pays moteur du Mercosur (Mercosul, comme on dit en
Amérique du Sud). Instauré à travers le traité d'Asunción en 1991, il représente
le quatrième bloc économique (en superficie il fait 3 fois la taille de l'Union
Européenne). Il vise à promouvoir la libre circulation des capitaux et des services
dans les cinq pays qu'il englobe : Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay - et
depuis peu le Chili. Car en juin 1996, les zones de libre-échange du Mercosur
se sont élargies au voisin chilien, à travers un accord qui, toutefois, ne prévoit
l'entrée du Chili comme Etat-membre que d'ici à quelques années.
Même s'il commence à faire ses premiers pas, le Mercosur est devenu une réalité
incontestable, dépassant les estimations les plus optimistes en ce qui concerne
l'intégration économique des pays membres. D'autre part, les données statistiques
de commerce prouvent que l'organisation du Mercosur a fait partie d'un processus
d'ouverture commerciale qui a augmenté la visibilité des économies des Etats
membres vis à vis de la concurrence internationale.
Sur les 220 millions d'habitants du Mercosur, on compte 175 millions au Brésil.
Son produit intérieur brut (PIB) est d'environ 1 milliard de dollars dont plus
de 750 millions d'origine brésilienne.
Le Brésil représente donc 78 % de la population et 72 % du PIB global du Mercosur.
Le Brésil actuel
Le gouvernement brésilien a pris actuellement des mesures concrètes et efficaces
pour stimuler le développement du pays. D'une part, il maintient un contrôle
rigoureux de l'inflation. De l'autre, il a réduit les taux d'intérêts, et a
facilité le crédit. Il a avancé le processus des privatisations et il lance
un programme de projets prioritaires qui s'appelle "le Brésil en Action"
(Brasil em Açao) pour encourager les investissements publics dans les secteurs
des ports maritimes, des chemins de fer, des routes, de l'éducation et de la
santé. Cela assurera les infrastructures physiques et humaines nécessaires à
la croissance du pays. Il s'agit d'un regroupement de 42 projets dans le domaine
de l'infrastructure et du développement social, concernant 52 milliards US$
entre 1997 et 1998.
L'augmentation de la consommation et de la distribution des revenus, ainsi
que la baisse du chômage ont été possibles grâce à cette politique de croissance
qui inclut une réduction des impôts, des coûts financiers et des coûts liés
aux infrastructures.
Le programme de privatisations est un vrai succès. Dans les six premières années
il y eut un ensemble de 54 entreprises privatisées, avec un total supérieur
à 17 milliards US$. Les entreprises privatisées faisaient partie du secteur
de la pétrochimie, de l'engrais et de la sidérurgie.
Jusqu'à fin 1998, vingt entreprises électriques (y compris celles de Rio et
de Sao Paulo) et 31 ports maritimes seront transférés au secteur privé. La prévision
est de 90 milliards de dollars d'investissements avec privatisations dans les
4 prochaines années.
Le Brésil se caractérise par un fort taux d'urbanisation. C'est un pays de
grandes villes et la croissance de la population est d'environ 2% par an jusqu'en
2005.
Une de ses grandes caractéristiques est cependant l'inégalité tant par sa répartition
des richesses entre individus que par ses disparités régionales. Ce qui est
surprenant, c'est qu'une partie de son économie s'apparente à celle des pays
les plus développés.
Les 10 % les plus riches détiennent près de 50 % de la richesse, tandis que
50 % des plus pauvres détiennent un peu moins de 15 %. En ce qui concerne la
concentration régionale de la richesse, seule la ville de Sao Paulo détient
35 % de la richesse du pays (Rio de Janeiro vient derrière avec 12,5 %).
L'ouverture
Le programme d'ouverture mis en place au Brésil pour attirer les investissements
mondiaux s'est caractérisé par :
la fin des barrières tarifaires
la fin des interdictions d'importation
la simplification des formalités (licence d'importation)
la création du Siscomex (organisme qui centralise toutes les formalités liées
à l'export/import)
la réduction des droits de douane
le retrait de l'Etat des secteurs économiques productifs et de certains services
publics par son large programme de privatisations
la fin des monopoles publics (pétrole, gaz, telecom)
l'application des lois sur la propriété industrielle et les circulaires de l'INPI
qui ont assoupli les règles en matière de contrat de transfert de technologie
une réforme constitutionnelle importante
et surtout par la fin de la distinction entre entreprise nationale à capital
brésilien et celle à capital étranger.
Quelques aspects juridiques et fiscaux
Lors d'une décision sur un développement des activités au Brésil, quelques
points doivent être bien connus et analysés afin d'éviter quelques pièges et
de pouvoir ainsi garantir une réussite :
l'investisseur étranger doit créer une société s'il veut effectuer un investissement
dans le secteur industriel, commercial ou de services. La loi brésilienne prévoit
plusieurs sortes de sociétés, en particulier la société à responsabilité limitée
(Ltda), rappelant la Sarl française et la société anonyme (SA). Cette dernière
est la plus adéquate, quand l'investissement est entièrement effectué par une
personne juridique d'origine étrangère.
La domiciliation du siège social est très importante, car le Brésil est une
fédération où les états et les municipalités bénéficient d'une relative autonomie
fiscale et de patrimoine. Selon la nature, la taille et le nombre d'emplois
créés, une donation de terrain et une réduction d'impôts pour la société en
question sera négociable.
Les investisseurs français bénéficient de certains avantages pour s'établir
au Brésil. Il y a un accord en matière de fiscalité entre la France et le Brésil.
Il faut avoir le statut de résident, pour pouvoir occuper un poste touchant
à l'administration d'une société légalement constituée. Sinon, il faut confier
l'administration et la gestion de l'entreprise à un Brésilien.
Pour avoir une carte de résident, il suffit d'obtenir les documents nécessaires
auprès de la police fédérale et de demander l'équivalent d'une carte de séjour
française. Il faut cependant souligner qu'il existe un montant minimum que le
chef d'entreprise doit apporter et enregistrer auprès de la Banque Centrale
pour lui permettre de bien créer sa société.
La loi brésilienne autorise les investisseurs à rapatrier dans leur pays des
fonds qu'ils ont investis, auxquels s'ajoutent les bénéfices obtenus au Brésil
pendant toute la durée de leur investissement. Il faut souligner également que
tout investissement d'origine étrangère doit passer par un contrôle et enregistrement
à la Banque Centrale du Brésil.
Les bénéfices dégagés par les entreprises brésiliennes, indépendamment de l'origine
de leur capital, sont imposés à un taux moyen de 33 % pour les entreprises en
général et de 44 % pour les institutions financières en particulier.
Le capital étranger investi dans le pays et le capital national sont soumis
au même traitement fiscal. Il n'y a pas d'imposition sur le rapatriement du
bénéfice vers l'actionnaire à l'étranger.
Une entreprise française qui s'installe au Brésil peut commercialiser ses produits
dans les autres pays du Mercosur de la même manière qu'une entreprise au capital
brésilien.
Les lois qui régissent le travail au Brésil sont assez flexibles. Le licenciement
à n'importe quel moment est possible. Il faut respecter, bien sûr le préavis
de 30 jours, les versements du solde du salaire, d'une somme correspondant aux
congés payés et au 13ème mois, proportionnel au nombre de mois travaillés dans
l'année. Les indemnités sont réglées par le FGTS (Fonds de Garantie en fonction
de l'ancienneté dans le travail) auquel tous les employés brésiliens sont soumis
mensuellement.
Les potentialités du marché
Concernant les potentialités que le marché brésilien peut apporter aux entreprises
françaises, il faut prendre en compte plusieurs facteurs :
C'est un marché en pleine croissance. Si l'on prend le PIB de l'état de Sao
Paulo, à lui seul, il avoisine celui du Mexique.
Le Brésil s'impose désormais comme le champion latino-américain après avoir
été à la traîne de l'Argentine pendant plusieurs années.
Le marché brésilien aujourd'hui a besoin de capital et de technologie pour
bien mener son programme de privatisations.
Le Brésil est un pays de très bons techniciens, mais il est très demandeur
de savoir-faire technologique. Cette technologie est demandée pour des projets
de grande envergure et également par des PME/PMI qui en ont besoin pour devenir
plus compétitives sur le marché interne.
Le Brésil présente donc des opportunités de développement pour les grands groupes
français, mais également pour des PME/PMI qui veulent s'y implanter ou qui veulent
établir des accords industriels, des transferts de technologie, des partenariats
: commerciaux, financiers ou techniques.
La présence française
En 1996 la France est redevenue le deuxième investisseur étranger au Brésil,
grâce à EDF et à Renault. Et en 1997, elle reste parmi les cinq premiers investisseurs.
Plusieurs sociétés françaises sont présentes au Brésil. On estime leur nombre
à 300 actuellement.
Les secteurs porteurs
Plusieurs secteurs peuvent être identifiés comme secteurs porteurs sur le marché
brésilien :
l'énergie (transport, production ou distribution)
les technologies de pointe (réseau, équipement informatique d'automatisation)
le secteur automobile
les secteurs à haute valeur ajoutée (y compris l'informatique)
le matériel pour les télécommunications
les équipements et services liés à la gestion des infrastructures :
eau et assainissement
gaz
transports (transports urbains, chemins de fer, routes et ports)
le secteur agro-alimentaire
les biens de consommation en général
le secteur de la banque et des assurances
tous les secteurs liés à la grande distribution
Les risques
Il faut cependant écarter toute euphorie et précipitation. La prudence continue
à être le mot d'ordre. Les risques existent toujours et il faut bien les connaître.
Le Brésil est encore un pays où il y a énormément de bureaucratie. La quantité
de "paperasse" à remplir rend la gestion d'une entreprise extrêmement
compliquée et exige des efforts redoublés.
Les lois sur la propriété industrielle ont été bien améliorées, mais rien n'empêche
que de bonnes idées puissent être menées par le propre représentant local sur
place. La législation n'est pas autant respectée qu'en Europe. C'est toujours
un risque à prendre.
Au Brésil, toutes les entreprises ne possèdent pas forcément une comptabilité
saine. La "caisse 2" est bien connue dans ce pays. Il est certain
qu'elle est en voie de disparition avec les nouvelles mesures prises à ce propos.
Mais il faut toujours s'entourer de personnes compétentes juridiquement et fiscalement,
connaissant bien ce marché, afin de ne pas tomber dans un échec commercial,
suite à des problèmes liés à une mauvaise gestion.
Enfin, pour réussir un développement sur le marché brésilien, il suffit d'avoir
un produit compétitif et techniquement avancé et d’être prêt à consacrer une
partie de ses ressources à la conquête de ce nouveau marché. Le tout, bien tempéré
d'une dose d'enthousiasme, de patience et de précautions.
Edmae Adell
Directeur
Azex Relations Internationales