" Il me semble aujourd'hui inconcevable de diriger quoi que ce soit en France,
sans avoir des notions de ce qui se passe en Asie. On estime que 40 % de la consommation
mondiale s'y fera d'ici l'an 2000, on ne peut donc pas l'ignorer ", indique
Gaétan Meynard, 26 ans, employé en tant que VSNE, à Kuala-Lumpur, par la société
bretonne Gestin, implantée à Morlaix depuis 1987. Présente en Russie, au Brésil,
au Portugal, en Chine, la société Gestin, spécialisée dans le négoce de produits
carnés, de légumes et poissons congelés, visait une présence en Asie du Sud-Est.
Approchée lors d'un salon de l'agro-alimentaire à Singapour, la Malaisie est apparue
le pays le mieux préparé à accepter les produits commercialisés par Gestin.
" Convaincu que le futur se trouve dans le Pacifique, après deux expériences
en France et au Canada où j'ai découvert le fonctionnement du marché Nord-Américain,
j'avais envie d'aborder l'Asie. De plus, intellectuellement, la zone m'intéresse.
Pour sa culture, sa religion, son architecture. C'est passionnant. Humainement,
ce sont des gens extraordinaires. Je suis entré en contact avec l'entreprise
Gestin par l'intermédiaire de L'Amirseb, une émanation du Conseil Régional de
Bretagne qui travaille en lien avec les PME-PMI exportatrices. "
Dès lors, pour Gaétan Meynard, la première difficulté consistera à trouver
un parrain sur place pour l'héberger. Le fichier "Fournisseurs" de
la PME bretonne viendra à son secours. Un transporteur local implanté là-bas
accepte de jouer le jeu. Gaétan Meynard fait ses valises pour une durée de seize
mois. L'objectif est clair : nouer des contacts commerciaux, acheter et vendre,
sur l'ensemble de la zone; Philippines, Indonésie, Singapour, Thaïlande, Vietnam,
Malaisie... Sur place, il entre en contact avec l'entreprise de transport. Premières
infos, premiers contacts, avant le traditionnel tour de l'ambassade, du consulat,
la MSBIO (la Chambre de Commerce et d'industrie locale) ... " J'ai beaucoup
rencontré la communauté française sur place. Dans tous les pays que je visite,
je m'appuie sur le tissu français. C'est une source de renseignements intéressante.
Il y a, en général, beaucoup moins de rétention d'information, le dialogue est
facile et les carnets d'adresses s'ouvrent. "
Installé au sein de la structure d'accueil pour des facilités administratives,
Gaétan Meynard a tout de suite démarré l'activité, partageant son temps avec
une entreprise d'ameublement française. " Il m'a été demandé d'affiner
les informations que l'entreprise possédait déjà sur la zone, au gré de prospections
préalables. " Négociant international, Gestin réalise également des achats
sur place pour les revendre à l'étranger. " Les négociations se déroulent
de façons radicalement différentes de celles que l'on connaît en Occident. Elles
sont très très longues avec les Chinois. Il faut beaucoup de patience. Quand
ils parlent de négociations, les Chinois ont une expression qu'ils appellent,
faire sortir le sang de la pierre. En substance, c'est d'essorer l'interlocuteur
jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus. Quelque chose de très appréciable ici, c'est
que les gens sont prêts à tout faire pour vous quand ils vous rencontrent. Cela
dit, le suivi derrière, c'est autre chose... Il faut rester en contact et les
relancer sans arrêt. Avec eux, c'est loin des yeux, loin du portefeuille. "
Mais, les univers de l'ameublement/décoration ou de l'agro-alimentaire impliquent
des approches très différentes. " Pour l'agro-alimentaire où le facteur
de prix s'avère primordial, les décisions peuvent être rapides. En revanche,
pour la décoration où on leur fait découvrir des choses nouvelles, le processus
d'achat est un peu plus long. C'est aussi un jeu. Il faut être patient. "
En dix mois, le bilan du VSNE est positif. " Cela ouvre des perspectives.
Cela permet de prendre conscience de la chance que l'on a en Occident, alors
que d'autres courent pour remplir leur assiette. Maintenant, professionnellement,
on commence à avoir une meilleure vision du marché. " Outre la délivrance
d'agréments sanitaires qui a tardé à venir, les troubles boursiers dans l'Asie
du Sud-Est n'ont pas facilité les affaires. Certains pays, comme l'Indonésie
et les Philippines ont supprimé les assurances crédit. En Malaisie, le cours
de l'argent a chuté de 40 %. Résultat, les productions locales deviennent beaucoup
plus compétitives que les produits importés. " De plus, on attaque des
zones sous influence de l'Australie et des Etats-Unis ", remarque Gaétan
Meynard. " Il y a des choses à faire mais cela prend du temps. Plus que
le business pur, les affaires se basent sur les personnes ", souligne-t-il.
Mais, contrairement à la Chine où l'âge est un critère de crédibilité, sa jeune
expérience ne s'est pas révélée être un handicap. " Très franchement, je
pense que l'adaptation en Malaisie est beaucoup plus facile que dans les autres
pays de la zone. "
Gaétan Meynard
VSNE
Gestin