" En Malaisie, le contexte politique est au moins aussi important que le
sont les impératifs techniques et économiques. Une bonne connaissance des circuits
de décision est donc essentielle pour réussir son implantation. Le choix d’un
partenaire est, dans cette perspective, capital. " Jean des Courtis est un
fin connaisseur de l’Asie en général et de la Malaisie en particulier. Le directeur
financier de Clestra, numéro un mondial des cloisons métalliques mobiles, a passé
de longs mois en Extrême-Orient pour structurer le réseau de filiales asiatiques
de la société française, filiale de Stafor Facom. La Malaisie représente en outre
un enjeu d’importance pour Clestra, qui envisage à terme d’y implanter une unité
de fabrication.
" Je suis parti pour la première fois en Malaisie il y a trois ans et
demi " explique le directeur financier. " A cette époque étaient lancées
les premières études pour la réalisation de KLCC (Kuala Lumpur City Center),
le gouvernement souhaitait, dans le cadre de cette opération, éprouver de nouvelles
technologies en matière de bâtiment. " Fabricant de produits très performants,
mais beaucoup plus onéreux que les matériaux classiques, la société française
était naturellement intéressée par ce chantier emblématique, qui allait donner
le jour aux plus hautes tours de la planète. " Nous avons réussi, en liaison
avec les architectes américains, à faire spécifier des cloisons et des plafonds
métalliques ", se souvient Jean des Courtis. " Pour pouvoir soumissionner,
il nous fallait un partenaire local. C’est pourquoi nous avons monté une joint
venture à 50/50 avec un groupe malais. Nous n’avons pas pour autant obtenu le
marché. Notre partenaire avait en effet déjà décroché plusieurs gros marchés
d’état et ne pouvait prétendre à de nouveaux contrats sur ce chantier. C’est
donc notre concurrent anglais qui a raflé la mise, mais nous avons compris à
cette occasion l’importance du contexte politique, la subtilité de l’équilibre
entre les groupes industriels en Malaisie. "
Cet échec n’a pas pour autant découragé les responsables de Clestra. "
Nous souhaitons nous développer sur des marchés domestiques suffisamment importants.
C’est le cas en Malaisie où le volume d’activité est significatif, pas seulement
à Kuala Lumpur d’ailleurs. Le développement de ce pays n’est pas un feu de paille,
mais s’appuie sur de gros projets. Bref, un véritable fond de sauce pour parler
en jargon professionnel ". Par ailleurs, relève le directeur financier,
" les investisseurs exigent désormais des standards de qualité internationale
et commencent à accepter les surcoûts liés à la noblesse des matériaux. "
Il y a aussi une main-d’oeuvre de bonne qualité. La formation est excellente
et les ingénieurs sont quasiment tous bilingues anglais, ce qui est loin d’être
le cas partout en Asie. "
L’organigramme de la filiale malaise tient compte des particularités locales
et des réseaux en place. Ainsi le numéro un de la filiale est-il un Malais,
musulman, pour respecter la hiérarchie des communautés locales, notamment auprès
des pouvoirs publics. La responsable commerciale est, en revanche, Chinoise,
une communauté très présente dans le business malais. Un ancien VSNE français
assure, de son côté, le lien entre la société locale, la maison-mère et les
autres filiales asiatiques. " Nous avons de plus, un project manager basé
à Hong-Kong, qui rayonne sur l’ensemble de la région et coordonne ponctuellement
les chantiers. " L’organisation se doit, il est vrai, d’être parfaitement
huilée puisque l’essentiel du travail s’effectue en usine et que les cloisons
livrées sont cotées au dixième de millimètre.
" Outre le choix du partenaire, il reste des obstacles importants pour
se développer en Malaisie. Le partage du capital dans une joint venture est
l’un de ces écueils. Il est bien entendu possible de demander la parité, comme
nous l’avons obtenu, mais cela pose des problèmes de réglementation, notamment
pour obtenir des financements sérieux. On a un peu l’impression de se retrouver
en Corée il y a dix ans, où le gouvernement, sous prétexte de favoriser l’industrie
locale, freine des initiatives comme les nôtres. Je suis toutefois persuadé
que les choses vont s’arranger dans les années à venir. "
Jean des Courtis
Directeur Financier
Clestra