" En Indonésie comme ailleurs, on échappe pas à l’influence des cercles de
relations. Ils sont essentiels pour établir de bonnes connections avec l’administration
et les grandes entreprises. Le fait d’avoir un partenaire indonésien bien introduit
est donc capital. Nous avons ainsi pu débrouiller rapidement des situations apparemment
inextricables. Il faut à mon avis quatre ou cinq ans pour bien comprendre comment
fonctionnent les choses, quels rôles jouent les différentes communautés, quelles
sont les réelles priorités en matière d’équipements. " Bernard André, directeur
général de la société Bonna, fabricant de conduites de grand diamètre, ne cache
pas qu’il a mis un certain temps avant d’être rassuré sur la viabilité d’une filiale
en Indonésie. Cinq années n’ont pas été trop longues pour asseoir une structure
stable et obtenir la reconnaissance nécessaire dans cet archipel protéiforme.
" Notre présence en Asie du Sud Est remonte à 1991. Bonna s’est tout d’abord
implanté au Japon en association avec une entreprise locale, avant de créer
une structure commune à Hong-kong sous la forme d’une joint venture. Notre objectif
affiché était de prospecter l’ensemble de la région, notamment l’Indonésie,
la Thaïlande et la Malaisie, en créant des associations au sein desquelles nous
souhaitions conserver la majorité. " C’est ainsi que la société française
s’est implantée en Indonésie en 1993 en créant " Humex Bonna Indonesia
". Il s’agit d’une société de droit indonésien, au sein de laquelle l’association
franco-japonaise détient 60 % du capital. Le siège est situé à Djakarta et l’usine
de fabrication à 50 kilomètres au sud de la ville près de la zone de cimenteries
de Gnung Putri. " Notre but était de répondre à la demande que nous pensions
importante en grande adduction d’eau. C’était une erreur. "
De fait, si les besoins de l’archipel sont évidents en réseaux d’adduction
les grands projets tardent à se concrétiser. " Il y a notamment un projet
gigantesque à Sura baya, une grande ville sur l’île de Java, sur lequel tout
le monde s’est cassé les dents. La finalisation du projet bute sur la garantie
du gouvernement central qui ne semble pas en mesure de cautionner les emprunts.
Heureusement, si l’eau ne marche pas bien, l’industrie avance et nous avons
pu trouver des débouchés dans les circuits de refroidissement de centrales thermiques
et de complexes pétrochimiques. C’est ce qui a permis à l’entreprise de fonctionner
correctement depuis sa création. "
L’usine indonésienne est dirigée par un ingénieur français. " Nous conservons
la maîtrise totale de l’entreprise à travers nos expatriés ", explique
le directeur général, " ce n’est pas sans poser quelques problèmes. Quand,
par exemple, nous avons lancé la procédure de certification Iso 9002, notre
partenaire indonésien a été mortellement vexé que ce soient des français qui
pilotent l’opération. Il a d’ailleurs tenté de lancer la même procédure dans
ses propres usines. Sans succès. " Consciente de la susceptibilité de ses
interlocuteurs, la société française a alors tenté de recruter un ingénieur
indonésien, une femme et lui a offert une formation à Paris. " Le problème
c’est qu’elle a quitté la société quelques temps plus tard pour monnayer ailleurs
son savoir-faire. " L’entreprise n’en poursuit pas moins une politique
systématique d’embauche de cadres locaux. " Mais il est très difficile
de trouver des ingénieurs commerciaux. La prospection systématique est un métier
qui n’existe pas là-bas, et nous sommes vraiment embarrassés avec ce problème.
" La solution peut consister à embaucher des Chinois mais il est alors
nécessaire de le faire dans la plus grande discrétion. Question de susceptibilité
toujours.
Pour Bernard André, il est également un écueil qu’il est important de ne pas
sous-estimer en Indonésie : la barrière de la langue. " Les indonésiens
parlent anglais, mais mal. Et quand ils ne comprennent pas, ils ne le disent
pas. Cela peut conduire à de sérieux quiproquos. Je me souviens, par exemple,
d’une réunion au cours de laquelle nous avons été confrontés à des regards désespérément
vides. Dès que les propos ont été traduits en Bahasa Indonésia, la langue véhiculaire,
les questions ont immédiatement fusées. C’est la raison pour laquelle un de
nos ingénieurs a appris la langue, afin de bien se faire comprendre. "
Afin également d’éviter les gaffes, comme les remontrances trop appuyées, qui
sont très mal perçues, là comme ailleurs en Asie du Sud Est.
Bernard André
Directeur Général adjoint
Société des tuyaux Bonna