Méconnue des Français, l’Indonésie est l’un des grands marchés du XXIème siècle...
Sa population : 200 millions d’habitants,
soit le 4ème pays le plus peuplé du monde et la moitié de la population de l’ASEAN.
Sa géographie : Un archipel de plus de
13 000 îles réparties sur 5 000 kilomètres d’est en ouest et 2 000 kilomètres
du nord au sud et dans lequel 5 grandes îles (Java, Sumatra, Kalimantan ou Bornéo,
Sulawesi et Irian Jaya) dominent une surface émergée qui atteint presque 2 millions
de km2. Les niveaux de développement sont très inégaux : Java abrite à elle
seule 115 millions d’habitants, avec une densité moyenne de 900 habitants par
km2. Sumatra commence à être assez développée grâce à ses gisements d’hydrocarbures
et à ses plantations. Sur les autres îles, la population reste clairsemée, la
forêt domine... et tout est à faire en terme de développement, d’autant plus
que les richesses agricoles, forestières et minières sont vastes (pétrole, gaz,
charbon, nickel, étain, or, cuivre, bauxite, etc.).
Sa croissance : Le PNB de l’Indonésie
atteint 1.000 dollars US par tête en moyenne, ce qui en terme de pouvoir d’achat
équivaut à 4.000 US dollars par tête et par an. Cette richesse est en croissance
rapide (7 % par an) et fortement concentrée sur la capitale, Jakarta, une métropole
de 10 millions d’habitants (20 avec ses banlieues industrielles).
Sa situation politique : Stable depuis
plus de 30 ans, sous la houlette du Président Suharto, qui a permis à son pays
de relever plusieurs défis. Celui de la faim d’abord : les investissements dans
l’agriculture ont permis au pays de devenir, bon an mal an, autosuffisant en
riz. Celui de l’unité nationale ensuite : si le pays compte plus de 50 langues
régionales, les jeunes sont tous scolarisés en indonésien, une langue relativement
facile à apprendre et qui représente, pour les étrangers, la clé d’une intégration
en Indonésie.
Ses grands équilibres : Si l’Indonésie
a une dette extérieure importante (95 milliards de dollars US fin 1995, dont
65 milliards à titre public), elle l’a toujours honorée, ce qui lui permet d’être
choyée par les bailleurs de fonds internationaux. Ainsi la Banque Mondiale vient
de lui renouveler ses prêts et la Banque Asiatique de Développement lui accorde
25 % de son portfolio. La monnaie nationale est la roupie, normalement stable,
librement convertible et indexée sur le dollar US. Affectée par la crise des
devises asiatiques en 1997, la roupie a subi une dévaluation qui devrait conduire,
début 1998, à un nouvel équilibre.
Aujourd’hui, les experts s'accordent à reconnaître que l’Indonésie est à un
tournant. Après une phase de " décollage ", le gouvernement souhaite
promouvoir une industrialisation plus intensive. Il lui faudra d’abord régler
les incertitudes liées à la succession du Président, maintenant âgé et qui entame
sans " challenger " un nouveau mandat de 5 ans. Elu par une assemblée
de députés jouant le rôle de grands électeurs et qui lui sont entièrement acquis,
le Président sera certainement reconduit dans ses fonctions en mars 1998. Le
choix de son Vice-Président donnera des indications sur le paysage possible
de la succession.
Comme toute l’Asie du sud-est, l’Indonésie a été secouée en 1997 par une crise
monétaire et a subi les contrecoups de El Nino : sécheresse, feux de forêt,
pénurie de riz, épidémies. Ces incidents révèlent des difficultés structurelles
typiques des " crises de croissance " que connaissent les pays en
développement rapide. Les investisseurs étrangers continuent pourtant d’accorder
leur confiance à un pays promis à une belle croissance. Les autorisations d’investissements
étrangers atteignent 40 milliards de dollars par an. L’année 1998 devrait donc
être une bonne occasion pour les entreprises françaises d’identifier des opportunités
sur cet énorme marché.
Les secteurs porteurs
Les secteurs porteurs sont nombreux dans un pays qui a besoin de tout, tant
en matière d’infrastructures, d’équipement que de biens de consommation.
Infrastructures tout d’abord. Les besoins d’investissements dans ce domaine
s’élèvent à près de 10 milliards de dollars US par an, répartis sur 330 projets
sur une période de 5 ans. Une partie de ces projets est financée par le gouvernement,
notamment grâce à l’aide étrangère. Le reste sera pris en charge par le secteur
privé, qui se voit de plus en plus confier la réalisation des infrastructures
en BOT (Build Operate Transfer).
Ce domaine comprend de nombreux secteurs dans lesquels la France est bien placée
pour fournir de l’expertise, des équipements, ou pour investir directement :
dans les télécommunications : 1 million de lignes à installer par an, sans compter
la mise en place du réseau cellulaire, qui devrait atteindre 1 million d’abonnés
en l’an 2000
dans les transports : nécessité d’améliorer les infrastructures portuaires,
ferroviaires, la programmation de plusieurs grands projets de routes à péage,
de transport urbain, d'aéroports et de ponts géants reliant les principales
îles entre elles.
dans l’électricité : la capacité de production doit être augmentée pour faire
face à une consommation croissante d’au moins 15 % par an. Consciente de l’épuisement
prochain de ses réserves en énergies fossiles, l’Indonésie souhaite promouvoir
en particulier les énergies renouvelables (1 million de foyers doivent être
équipés de générateurs photovoltaïques)
dans le traitement des eaux : la France a déjà remporté plusieurs gros projets
, dont la moitié de l’alimentation en eau de Jakarta
dans la santé : l’Indonésie est sous-équipée en lits hospitaliers et les cliniques
privées se développent rapidement, la demande de services de qualité étant loin
d’être remplie.
L’industrie
Elle est en développement rapide, elle représente d’ores et déjà plus de 25
% du PNB. Les industries lourdes, en grande partie aux mains d’entreprises publiques
(aciéries, cimenteries, pétrochimie), alimentent principalement le marché national.
Grâce aux déréglementations, les industries légères exportatrices se sont développées
depuis la décennie 80, en particulier, dans le domaine du textile, de la chaussure,
du contre-plaqué, des équipements électriques.
L’agriculture et l’agro-industrie
Elles représentent encore une grosse part du PNB. L’Indonésie est un gros producteur
de café, de cacao, de caoutchouc, de sucre de canne et de bois. Ces produits
ont pendant longtemps été exportés à l’état brut, mais les industries de transformation
se développent rapidement. De nouveaux secteurs se développent par ailleurs
en réponse aux changements de consommation : horticulture, maraîchage, production
fruitière, production d’aliments du bétail, élevage.
L’environnement
Il représente le gros marché des années à venir, en raison d’une prise de conscience
des dangers et d’une application de plus en plus sévère des réglementations.
Enfin il ne faut pas oublier les biens de consommation, qui sont encore en
partie importés : les Indonésiens sont friands de marques prestigieuses et la
France bénéficie d'une image inégalée. Outre les produits de luxe, il ne faut
cependant pas oublier que le plus grand marché est celui des produits "
de masse ", dans lequel les entreprises locales investissent de plus en
plus en créant des produits peu chers adaptés aux besoins locaux.
Préparer son implantation
Depuis la fin de la décennie 80, l’Indonésie a mis en place une vague de déréglementations
successives en matière d’importations et d’investissement : baisses des droits
de douane, suppression des licences d’importation, ouverture du secteur bancaire
et des investissements étrangers. A l’exception d’un nombre restreint de secteurs
dont la liste diminue sans cesse, les étrangers peuvent investir en détenant
la majorité, voire 100 % des parts de leur société et bénéficient de la liberté
du change et du rapatriement des bénéfices.
Il n’en reste pas moins que l’Indonésie est un pays complexe où les modes de
décision et de communication sont très différents des nôtres. La hiérarchie
et les relations familiales dominent, l’Etat reste très présent, et la priorité
est accordée aux relations de confiance personnelle établies sur le long terme.
Par ailleurs, plusieurs groupes d’experts ont estimé cette année que l’Indonésie
figure parmi les pays les plus corrompus d’Asie. Ce label est évidemment discutable,
il n’en reste pas moins qu’il faut du temps à un étranger pour maîtriser les
circuits de décision.
Une société désirant s’implanter en Indonésie a donc intérêt à prendre deux
précautions :
conduire des études préliminaires sur son marché, sa clientèle, sa concurrence
en faisant largement appel aux compétences de personnes connaissant bien le
contexte indonésien.
prendre son temps avant de s’engager de façon exclusive avec un agent ou partenaire
local. Les relations établies sont toujours difficiles à rompre et il faut du
temps pour pouvoir juger des qualités et de l’intérêt mutuel d’un associé potentiel.
La connaissance du marché est fondamentale
Elle va décider du type d’agent, de partenaire, des produits à développer et
du mode d’association et d’implantation à mettre en place. On peut distinguer
5 types de " cibles " appelant des stratégies différentes :
l’Etat est un gros client dans le domaine des infrastructures et des équipements.
Les circuits de décision y sont particulièrement complexes, d’où l’importance
d’un agent ou partenaire ayant les bonnes entrées. Le gouvernement indonésien
accorde la priorité aux producteurs locaux : une entreprise qui désire vendre
à l’Etat a intérêt à mettre en place et afficher un programme de " transfert
de technologie " permettant de fabriquer au moins en partie ses produits
sur place, sous licence ou en joint venture.
les grands groupes ou conglomérats dominent l’économie indonésienne. A partir
d’un secteur de départ, ils se sont tous largement diversifiés, souvent grâce
à des contacts de haut niveau. Là encore, les circuits de décision y sont complexes.
Un agent ou partenaire capable d’identifier les projets et les contacts est
donc essentiel lorsque la clientèle visée correspond à ce secteur, ce qui est
le cas lorsque l’on souhaite fabriquer et vendre des équipements coûteux, des
lignes industrielles, des procédés ou des services de haut de gamme. De par
leur surface et leurs contacts, les conglomérats sont souvent des partenaires
incontournables pour certains projets industriels : compte tenu de leur puissance,
de telles alliances doivent être soigneusement préparées.
des petites et moyennes entreprises privées (comme les conglomérats d’ailleurs)
sont en majorité aux mains de Chinois-Indonésiens. Elles peuvent être une clientèle
pour les entreprises proposant des biens industriels, ce qui supposera un partenaire
connaissant bien ce secteur. Il faut toutefois souligner que ces entreprises
ont peu de moyens et recherchent avant tout des produits à bas prix : il faut
en tenir compte dans les gammes proposées et dans les stratégies de production.
les consommateurs indonésiens seront approchés de façon complètement différente
selon le niveau de richesse visée. La stratégie des entreprises françaises est
souvent encore de s’adresser au haut de gamme. C’est cependant un créneau sur
lequel la concurrence est rude et qui nécessite des circuits de distribution
adaptés (boutiques de luxe, supermarchés).
C’est pourquoi aujourd’hui, une grande partie des entreprises indonésiennes
recentrent leur stratégie sur le consommateur " de masse " qui représente
le gros du marché et le plus fort gisement de croissance. Ainsi, dans les demandes
de partenariat, les entreprises indonésiennes recherchent de plus en plus des
partenaires étrangers pouvant développer des produits simples, peu coûteux à
produire et adaptés au goût local. Les entreprises françaises capables de répondre
à ce type de demande ont de beaux jours devant elles pour une implantation locale.
Ayant bien défini au préalable son marché, l’entreprise qui désire s’implanter
en Indonésie aura cependant intérêt à conserver une grande souplesse dans sa
stratégie. Le marché indonésien change vite et réserve des surprises ... il
est donc essentiel que le choix du partenaire et du mode d’implantation ne ferme
pas la porte à des opportunités inattendues qui pourraient se présenter en cours
de projet.
Les modes d’implantation
Une fois son marché et sa stratégie locale définis, l’entreprise française
a le choix entre plusieurs modes d’implantation qui correspondent en fait à
un engagement croissant dans le pays.
Utiliser les services d’un agent ou représentant
Cette méthode est précieuse au démarrage d’une implantation ou pour une entreprise
dont le marché ne justifie pas d’avoir son propre bureau et son propre personnel.
Selon le type de marché visé, on pourra alors faire appel à un distributeur,
à une société de commerce international ou à de petites structures proposant
leurs services à " temps partagé " entre plusieurs entreprises. De
nombreuses entreprises font le choix de travailler avec un représentant qui
anime ensuite un réseau d’agents ou sous-agents, chacun étant spécialisé sur
un secteur de clientèle donné où il a ses " entrées ".
Ouvrir un bureau de représentation
Cette étape est relativement simple à mettre en place, sauf dans le domaine
des services pour lesquels le gouvernement répugne à accorder des licences aux
entreprises étrangères. Trois types de bureaux de représentation peuvent être
montés :
les bureaux ouverts auprès du ministère du Commerce peuvent acheter des biens
en Indonésie pour les exporter et réaliser des activités de prospection, veille
et promotion. Ils ne peuvent pas faire d’offre commerciale ni vendre au sens
propre du terme. Leur activité est donc ainsi rapidement limitée et ils sont
souvent obligés de passer par des agents de droit indonésien pour importer leurs
produits, notamment lorsqu’il s’agit de vendre en petits volumes auprès de clients
ne souhaitant pas importer eux-mêmes ou, pour vendre à l’Etat.
les bureaux ouverts auprès du ministère des Travaux Publics peuvent réaliser
des activités de bureau d’étude, notamment dans la construction et répondre
à ses appels d’offres publics, mais obligatoirement en partenariat avec des
bureaux d’étude locaux.
les bureaux ouverts auprès du BKPM (Bureau de Coordination des Investissements)
sont réservés aux entreprises ayant déjà une autre implantation en Asie et permettent
de conduire des activités commerciales sur toute l’Asie. L’Indonésie souhaite,
avec ce statut, concurrencer Singapour comme " centre d’affaires de l’Asie
du sud-est ". Effectivement, un nombre croissant d’entreprises ferment
leurs coûteux bureaux de Singapour pour implanter leur base régionale à Jakarta,
qui offre un accès direct au plus gros marché de la région.
Investir en direct
C’est évidemment la phase ultime de l’implantation, qui va permettre de vendre
ou produire localement et qui consiste en fait à créer une société de droit
indonésien avec des capitaux étrangers. Dans ce domaine, on peut émettre deux
remarques :
la clé du succès réside dans la préparation. Un dossier bien préparé sera facilement
accepté par le BKPM (Bureau de Coordination des Investissements) qui délivre
les autorisations d’investir. Le choix du partenaire, le temps passé à clarifier
les objectifs et engagements de chacun sont également essentiels. S’il est théoriquement
possible de déposer un dossier sans partenaire local (investissement étranger
à 100 %), les entreprises qui font ce choix se heurtent souvent à de nombreux
obstacles vis-à-vis de l’administration qu’un partenaire local en joint venture
aidera à surmonter.
outre la capacité d’influence du partenaire, la facilité d’obtenir les autorisations
dépend du secteur concerné. L’Indonésie accueille volontiers les capitaux étrangers
dans les secteurs de haute technologie et d’investissement lourds. En revanche,
dans de nombreux secteurs, l’investissement étranger est interdit ou découragé.
C’est le cas de nombreux services de la distribution et de certaines industries
dans lesquelles il existe un secteur artisanal que le gouvernement veut protéger
en imposant un partenariat avec des coopératives.
Il est donc important, là encore, de bien se renseigner sur la législation
et les priorités du gouvernement, pour choisir le montage et le partenaire appropriés.
Investir de façon indirecte
Dans certains cas, créer une joint venture n’est pas toujours la solution la
plus appropriée, soit que la législation l’interdise, soit qu’elle soit trop
coûteuse. D’autres solutions existent :
le contrat d’assistance technique peut permettre à une société étrangère de
nouer un partenariat avec une société indonésienne pour produire un certain
type de biens ou de service. Ce type de contrat peut déboucher sur un accord
de production sous licence ou une franchise. Dans ce cas cependant, les relations
sont évidemment moins fortes que dans le cas d’une joint venture. Il convient
donc de choisir le partenaire avec soin puis d’établir et de maintenir des relations
de confiance.
certaines sociétés étrangères passent des accords avec des Indonésiens pour
détenir indirectement des parts dans une société locale. Là encore, une telle
association suppose d’établir une grande confiance réciproque, de veiller à
garder des intérêts mutuels, et nécessite une bonne préparation sur le plan
légal.
Savoir se faire appuyer
Il existe une panoplie de services publics et privés pour les entreprises françaises
en Indonésie :
le PEE peut fournir des notes sectorielles, des informations générales sur l’environnement
indonésien et des listes partielles d’opérateurs par secteur.
la Chambre de Commerce franco-indonésiennne propose des services d’études de
marché, d’accompagnement, de prospection et de recherche d’agents ou partenaires.
l’OCIFA propose un appui au stade de l’investissement, tant dans la recherche
d’informations que dans la constitution et le dépôt du dossier ou la recherche
et la négociation avec le partenaire.
plusieurs cabinets d’avocats implantés localement, dont certains parlent français,
proposent leurs services pour mettre en place les bureaux de représentation,
les contrats d’agence et de partenariat et déposer les dossiers d’investissements
auprès des autorités. On ne peut que conseiller de les consulter au début et
aux étapes-clefs de l’implantation et de leur soumettre pour relecture les documents
contractuels et dossiers officiels. La Chambre de Commerce peut proposer des
noms de cabinets de confiance.
plusieurs sociétés de conseil et de commerce international proposent leurs services
aux entreprises qui démarrent leur implantation, que ce soit pour étudier le
marché, prospecter, effectuer une veille commerciale, rechercher des clients
ou partenaires, ou distribuer ensuite directement leurs produits. Là encore,
certaines de ces sociétés travaillent avec des Français, ce qui peut faciliter
les relations. Elles sont en général spécialisées par secteur ou type de produits.
La Chambre de Commerce est bien placée pour fournir les listes de consultants,
d’agences ou de représentants potentiels.
Anne Gouyon
Directeur
Idé-Force