Afin de concrétiser son ouverture économique, la Chine s’est dotée depuis la
fin des années 1970 d’un droit des affaires assurant une certaine sécurité aux
investissements étrangers.
Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un droit de création récente, encore
mal assimilé, tant par les partenaires et les clients que par certaines administrations.
Environnement juridique et fiscal
Aspects internationaux
La volonté d’insertion de la Chine dans l’économie mondiale s’est traduite
par la ratification des principales conventions relatives au commerce international
et la signature d'accords avec les Etats-Unis et l'Union Européenne. L’achèvement
de ce processus sera réalisé par l’intégration (prochaine ?) de la Chine à l’OMC.
Du point de vue des relations franco-chinoises, deux traités bilatéraux ont
été conclus, portant respectivement sur l’encouragement et la protection des
investissements et surtout sur l’élimination des doubles impositions et la prévention
de l’évasion fiscale.
Aspects juridiques internes
D’un point de vue interne, les principaux aspects du droit des affaires sont
désormais couverts par la réglementation chinoise : droit des sociétés, droit
des contrats, protection de la propriété industrielle et intellectuelle, transferts
de technologie ect.Cependant, tous les domaines de l’économie ne sont pas accessibles
aux étrangers et la réglementation dresse une classification des secteurs, pour
lesquels l’investissement étranger est alternativement encouragé, autorisé,
restreint ou interdit. En cas de litige entre les parties, le manque d’indépendance
des tribunaux chinois, conduit à privilégier des solutions non juridictionnelles.
Bien que la conciliation soit le mode de règlement traditionnel du contentieux
en Chine, la législation autorise néanmoins le recours à l’arbitrage international.
Aspects fiscaux
Sur le plan fiscal, le taux applicable au revenu des sociétés à capitaux étrangers
s’élève à 33 % et le prélèvement à la source, effectué dans le cadre du rapatriement
des dividendes, a été supprimé. Toutefois, ce taux peut être inférieur et faire
l’objet d’exonération en fonction du lieu d’établissement de la société, de
son activité et de sa durée. Ainsi, les entreprises industrielles installées
dans les Zones Economiques Spéciales, les Zones de Développement Economique
et Technique ou certaines zones côtières, peuvent bénéficier d’un taux ramené
à 15 % ou 24 %. Des exemptions, puis réductions sont accordées pendant les cinq
premières années bénéficiaires.
Les différentes formes juridiques d’implantation
L’implantation en Chine passe souvent par l’ouverture préalable d’un bureau
de représentation qui ne peut pas servir de cadre à une activité de commerce
directe. En pratique, l’ouverture d’un tel bureau de représentation correspond
à une phase prospective : étude de marché, recherche d’éventuels partenaires
locaux, premiers contacts avec l’administration...
S’agissant d’une implantation plus durable, les formes privilégiées en la matière
demeurent : la joint venture mixte, la joint venture contractuelle, l’entreprise
à capitaux exclusivement étrangers, la société par actions. Les principales
caractéristiques communes à ces quatre types de sociétés sont les suivantes
:
- la responsabilité des associés est limitée au montant de leur participation
dans le capital social
- cette participation peut prendre la forme d’apports en technologie ou en
savoir-faire (dans la limite de 20 % du capital social), d’apports en numéraire,
en équipements, en bâtiments
- le montant minimal du capital d’une joint venture se situe entre 100 000
et 500 000 RMB selon l’activité envisagée et celui d’une société par actions
entre 30 et 50 millions.
La joint venture (mixte ou contractuelle)
La caractéristique d’une joint venture consiste à associer au sein d’une société
conjointe un investisseur étranger à un partenaire local. Il en existe deux
types.
Conçue dès 1979, la joint venture mixte constitue la structure classique de
l’investissement étranger en Chine. Le législateur a introduit en 1988 une forme
concurrente de joint venture, la joint venture contractuelle, permettant plus
de souplesse.
Néanmoins, subsiste un tronc commun important applicable indifféremment aux
deux types de joint venture :
- détention minimum de 25 % du capital par la partie étrangère
- liberté des parties quant au choix du Président
- décisions du Conseil d’administration requérant l’unanimité : modification
des statuts, augmentation du capital, cession des parts sociales, fusion acquisition
dissolution
La souplesse attribuée à la joint venture contractuelle par rapport à la joint
venture mixte porte sur trois points :
En premier lieu, le régime de la joint venture contractuelle laisse aux parties
le choix de conférer ou non la personnalité morale à leur structure. Dans ce
dernier cas, il s’agira d’une simple convention régie par le droit des contrats.
En deuxième lieu, la joint venture mixte contraint les parties à proportionner
leur responsabilité, ainsi que la répartition des bénéfices, au montant de leur
participation au capital. En revanche, la joint venture contractuelle permet
de dissocier ce rapport.
En dernier lieu, le cadre de la joint venture contractuelle permet à la partie
étrangère le recouvrement anticipé de son investissement, en contrepartie de
l’attribution des immobilisations à la partie chinoise.
L’entreprise à capitaux exclusivement étrangers
Le recours à l’entreprise exclusivement étrangère permet d’échapper à la limite,
à la liberté de gestion (caractérisée par l’exigence de l’unanimité du Conseil
d’administration pour les décisions importantes) engendrée par l’association
avec un partenaire chinois.
Interdite dans les domaines tels que les médias, l’industrie cinématographique,
le commerce, les assurances, les postes et télécommunications, contrôlée dans
les domaines des utilités publiques, du transport, de l’immobilier et des sociétés
financières et de leasing, l’entreprise à capitaux exclusivement étrangers doit
:
- soit permettre l’introduction d’une technologie avancée et donc utiliser
des équipements avancés, fabriquer des produits nouveaux, permettre des économies
d’énergie et des matières premières, améliorer ou remplacer des produits existants,
ou bien fabriquer des produits se substituant à une importation
- soit être une entreprise exportatrice, c’est-à-dire exportant chaque année
plus de 50 % de la valeur totale de sa production et équilibrant ainsi sa
balance en devises, ou bien créant un surplus en devises
Ces critères peuvent être appréciés de manière différente en fonction du lieu
d’implantation de la société.
La société par actions
Seule société ayant accès aux marchés financiers, la société par actions reste
néanmoins une structure peu pratiquée.
A terme, le développement des marchés financiers chinois pourrait inciter les
associés d’une joint venture, à transformer cette structure en société par actions.
Mise à part la réglementation propre à l’appel public à l’épargne, le régime
de la société par actions est sensiblement similaire à celui de la joint venture.
Les grandes lignes du processus d’implantation
L’implantation d’une société en Chine fait l’objet d’un processus sous surveillance
délimité par le contrôle des autorités étatiques.
C’est le plus souvent la même administration qui veille sur une société au
cours des multiples stades de son évolution (création, existence, éventuelle
extinction). La détermination de cette autorité de tutelle, dépendra de deux
critères : la localisation de l’implantation de la société et le montant des
investissements (en dessous de dix ou trente millions USD, suivant la localisation
du projet, la compétence revient aux autorités locales).
Le processus d’implantation comporte trois étapes :
- la rédaction de la lettre d’intention et l’approbation préliminaire
- la préparation et signature de l’étude de faisabilité
- la négociation
- l’obtention du certificat d’approbation
- la délivrance de la licence d’exploitation et l’accomplissement des formalités
d’enregistrement
Lettre d’intention et approbation préliminaire
Une fois déterminé le choix du partenaire, du site et du projet, il convient
de rédiger une lettre d’intention, qui cristallise la volonté des parties de
s’associer. Ce document est dépourvu de force obligatoire, sauf en ce qui concerne
les engagements réciproques de confidentialité.
A ce stade, la partie étrangère doit être extrêmement vigilante quant à l’exactitude
des titres dont se prévaut son partenaire chinois. Des vérifications auprès
des administrations compétentes s’imposent, concernant entre autres, la personnalité
du partenaire chinois, l’accord de son autorité de tutelle, l’existence de certains
droits dont le droit au terrain.
La lettre d’intention doit être remise, en même temps qu’une étude de pré-faisabilité,
à l’administration de tutelle du partenaire chinois afin d’obtenir une approbation
préliminaire.
Etude de faisabilité
L’étude de faisabilité poursuit trois objectifs : évaluer la viabilité économique
du projet, assurer les autorités de sa conformité aux normes administratives,
les informer des besoins de la future société.
Elle doit être préparée et signée par les deux parties, puis soumise pour approbation
soit à une étape intermédiaire, soit en même temps que les contrats.
Négociation
Un point délicat de la négociation avec le partenaire chinois, est la question
de l’évaluation des apports. Généralement dépourvue de liquidités, la partie
chinoise réalise ses apports en nature, en général constitués de bâtiments,
d’outils de production, ou de terrains, alors que la partie étrangère contribue
au capital par des apports en numéraire, ou sous forme de technologie et de
savoir-faire. La plupart du temps propriété publique, les apports en nature
de la partie chinoise sont systématiquement surévalués. Effectivement, même
lorsque l’évaluation est confiée à un cabinet étranger agréé, les autorités
imposent un mode d’estimation, fondé sur la valeur commerciale de son fonds
de commerce et de sa clientèle.
Un autre point délicat est celui de la négociation du contrat de licence de
technologie ou de savoir-faire, notamment concernant sa rémunération.
Obtention du certificat d’approbation
Le contrat d’association, les statuts, les éventuels contrats annexes et l’étude
de faisabilité, doivent être approuvés par l’autorité d’approbation au regard
de la loi chinoise.
Sous réserve de demande de modifications des documents soumis, l’autorité d’approbation
délivre le certificat d’approbation ou signifie son refus dans les trois mois
suivant le dépôt de la demande.
Délivrance de la licence d’exploitation et formalités
d’enregistrement
Dans le mois de délivrance du certificat d’approbation, la société doit procéder
à son enregistrement auprès de l’Administration de l’Industrie et du Commerce,
à peine de caducité du certificat d’approbation.
La société doit également enregistrer sa dénomination sociale auprès de cette
même administration et procéder à tout autre enregistrement requis (fiscal,
douanier, des droits au terrain...).
L’Administration de l’Industrie et du Commerce délivre une licence d’exploitation.
La date de délivrance de la licence fixe la naissance de la personnalité morale
de la société et le début de ses activités.
Claude Le Gaonach-Bret
Avocate
D.S Meyer & associés
Conseiller du Commerce Extérieur