LUCKY COUNTRY
Auteur : UCCIFE
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Pays de culture européenne mais placé au voisinage du continent asiatique et, de ce fait, témoin privilégié de l’explosion économique de cette région, l’Australie a dû trouver sa place sur le plan international. Comment relève-t-elle le défi ?

Chiffres clé

L’Australie est une fédération de six états et deux territoires, membre du Commonwealth. Elle a obtenu l’indépendance de la Grande-Bretagne en 1901.

C’est un pays de 18 millions d’habitants pour une surface qui représente 14 fois la France, aux antipodes de l’Europe (densité : 2 habitants au km2). La population australienne se concentre surtout dans les zones urbaines, en particulier sur la Côte est, où l’on trouve les plus grandes agglomérations : Sydney, Melbourne et Brisbane.

La monnaie locale, le dollar australien, est une monnaie flottante.

Une inflation maîtrisée

Le retour à la croissance, au début des années 90, a provoqué un dérapage inflationniste. Depuis 1995, la pression inflationniste a baissé, grâce au resserrement de la politique monétaire initié par la Reserve Bank dès 1994. Son objectif de contenir l’augmentation des prix dans une fourchette de 2 à 3 % par an est en passe d’être atteint. Le taux d’inflation en 1996 s’est élevé à 2,4 %.

Une lutte active contre le chômage

Entre août 1993 et décembre 1995, le taux de chômage est passé de 11,1 % à 8,1 %. 770 000 emplois nouveaux ont été créés. Cette reprise de l’emploi résulte surtout de la croissance économique. Depuis, le taux de chômage s’est stabilisé autour de 8,5 % alors que la population active continue d’augmenter.

L’état de Nouvelle Galles du Sud (New South Wales) est le plus important de la Fédération par son poids démographique et économique, tous deux supérieurs d’un tiers à ceux du deuxième état, le Victoria. Par le rôle qu’il joue en matière de commerce et d’immigration, il représente la charnière entre l’Australie et le reste du monde.

Bien qu’elle ne couvre que 10 % du territoire australien la Nouvelle Galles du Sud concentre un tiers de la population australienne (plus de 6 millions d’habitants) et représente un tiers du produit National Brut, ce qui est comparable à l’Indonésie, la Thaïlande ou Hong-Kong et supérieur à Singapour, la Malaisie ou les Philippines.

Sydney est la capitale économique et financière de l’Australie. Près de la moitié des 500 plus grandes entreprises australiennes et néo-zélandaises y ont élu domicile et plus de 75 % des banques. On y trouve la Reserve Bank et les marchés boursiers à vocation mondiale.

Bonne santé économique sur fond de changement politique

Quinzième puissance mondiale, l’Australie a été l’un des premiers pays de l’OCDE à sortir de la crise, une crise due en partie à la chute des cours des matières premières, sa principale richesse.

Après une forte récession dans les années 1990/91, l’Australie est entrée dans un cycle de croissance au cours du dernier trimestre 1991, se calant sur le rythme des économies anglo-saxonnes. L’apogée de ce cycle a été atteinte en 1994, avec une croissance hors secteur agricole de près de 7 %. Depuis lors, les taux enregistrés sont légèrement inférieurs : autour de 4 % par an.

L’Australie a une tradition de stabilité gouvernementale reposant sur un système parlementaire comparable au système britannique. Le Guide du Risque International 1995 calcule un index de stabilité politique en analysant plusieurs facteurs tels le leadership politique, la corruption du gouvernement, le système juridique et l’ordre social, l’existence de tensions raciales et nationalistes, la menace de terrorisme politique et la qualité de la bureautique. L’Australie a un indice de sécurité politique (81), identique à celui du Japon et plus élevé que celui des principaux pays de la région Asie-Pacifique comme Singapour (80), Taïwan et la Corée du Sud (77), ou encore Hong-Kong (73).

Lors des élections fédérales de mars 1996, la coalition libérale composée du Liberal Party (conservateur) et du National Party (paysan) a remporté une victoire éclatante face au parti travailliste ALP, au pouvoir depuis 1983 et mené par Paul Keating. John Howard est le nouveau Premier Ministre australien.

Le nouveau gouvernement suit une logique libérale, en particulier en matière d’emploi. La suppression des accords n’est que l’une des mesures prises par John Howard pour revenir aux lois du marché en matière salariale. De nombreuses autres l’accompagnent : supprimer le syndicalisme obligatoire, abolir les lois sur le licenciement abusif qui constituent un frein à l’embauche pour les petites entreprises, démanteler certains programmes d’aide à l’emploi jugés inefficaces. En démantelant ces programmes et en réformant le droit du travail, John Howard encourt de vives réactions du milieu syndical et sa démarche risque de provoquer à court terme des tensions inflationnistes. La déréglementation du travail en cours ne devrait contribuer à résorber le chômage qu’à moyen terme.

Le programme du gouvernement en matière d’emploi est l’un des volets d’une politique libérale qui s’articule autour d’une intervention étatique limitée : diminution de la dépense publique par rapport au PIB, réduction des déficits budgétaires, licenciements administratifs, baisse des aides publiques, foi dans le libre échange. Le premier budget du nouveau gouvernement est empreint d’une très grande rigueur financière.

Pour accroître l’épargne privée, le gouvernement veut développer les fonds de pension.

Afin de réduire les déficits publics, l’Australie est entrée dans un processus de privatisation dans les secteurs des transports, des télécommunications, de l’énergie et de l’eau.

La compagnie aérienne Qantas a été privatisée en 1995. British Airways détient désormais 25 % de son capital. La privatisation de 22 aéroports est programmée. La gestion de l’eau commence à être confiée à des groupes privés. La Générale des Eaux et la Lyonnaise, qui se battent pour conquérir les marchés australiens ont, chacune de leur côté, marqué de beaux points ces derniers temps. Ainsi, en septembre 1995, United Water, filiale de la Générale des Eaux et du britannique Thames Water a été choisie pour exploiter le réseau d’eau potable d’Adélaïde. A Sydney, la Lyonnaise vient d’inaugurer la plus grande usine de traitement d’eau du monde.

Un pays qui hésite entre l’ouverture et le repli sur soi

Député du Quennsland, issue du petit commerce, Pauline Hanson remet en cause la capacité de l’Australie à accueillir les immigrants asiatiques. Elle a réveillé de vieilles terreurs de fin de siècle comme la phobie de l’invasion non-européenne et l’idéal d’une Australie blanche. Il y a une centaine d’années, l’Australie refoulait les Asiatiques vers leurs pays d’origine et fermait ses portes aux non-Européens. Il y a un demi-siècle, 90 % de la population australienne était britannique et farouchement décidée à ne pas s’ouvrir sur le reste du monde. Depuis 1945, cependant, l’Australie a accueilli 5 millions d’immigrants. Le pourcentage des immigrants en provenance de la zone asiatique ne cesse de progresser. Très médiatisé, le débat recueille un écho profond dans la société. Le Premier Ministre John Howard a dû rappeler très fermement la vocation de l’Australie à s’ouvrir à tous et en particulier à ses voisins asiatiques. Une motion bi-partisane, votée à l’unanimité, a confirmé l’engagement de l’Australie d’exclure à jamais la notion de race de sa politique d’immigration. Le débat révèle cependant un certain malaise de la classe moyenne australienne devant la confrontation avec des cultures très différentes, porteuses, pour l’avenir, d’une remise en cause de toutes les certitudes du " Lucky Country " : fierté, confiance et sécurité.

Des conditions d’implantation avantageuses

Une économie stable, une abondance de matières premières, un système légal qui assure une protection absolue aux investisseurs, un système politique démocratique et stable, une croissance soutenue (la plus forte des pays de l’OCDE), des secteurs bancaires et financiers ultra-modernes comparables aux systèmes européens ou américains... Ces éléments ont décidé de nombreuses entreprises à tenter leur chance sur le marché australien.

Représentant 28 % des investissements étrangers, l’Europe est le principal investisseur en Australie (110 milliards A$, en augmentation de 30 % par rapport à 1990). Le Royaume-Uni est bien évidemment le plus actif, pour des raisons historiques et culturelles évidentes. Près de 1 600 filiales australiennes de sociétés britanniques ont déjà été créées. Les Etats-Unis et le Japon arrivent en deuxième et troisième positions.

Il est vrai que l’Australie offre des conditions d’implantation particulièrement compétitives par rapport aux autres pays de la zone :

  • c’est un pays de culture anglo-saxonne qui nous est familière. Les barrières culturelles à franchir pour les investisseurs européens sont donc connues. En même temps, la population est véritablement multiculturelle. Depuis la fin des années 1970, l’Australie a la politique d’immigration la plus libérale du monde. La fédération a accueilli plus de cinq millions d’immigrants depuis 1945. En 1996, le solde migratoire était de 140 000 personnes. Aujourd’hui, 40 % des Australiens sont nés dans un autre pays ou ont un parent qui l’est. Le pourcentage des immigrants asiatiques ne cesse de progresser. 40 % des 87 428 immigrants accueillis en 1995 venaient d’Asie, principalement de Chine (11 000 personnes), de Hong-Kong, d’Inde, du Vietnam ou des Philippines (5 000 personnes pour chacun de ces pays). Depuis peu, le chinois est devenu la deuxième langue utilisée à Sydney, après l’anglais.
  • les salaires des travailleurs qualifiés à Sydney sont moins élevés qu’à Los Angeles, Londres et que dans les principaux centres de la région Asie-Pacifique (Singapour, Hong-Kong et Tokyo). Ainsi le salaire annuel d’un ingénieur à Sydney est inférieur d’environ 20 000 A$ à celui d’un ingénieur à Hong-Kong, de 23 000 A$ à celui d’un ingénieur à Singapour et de 80 000 A$ à celui d’un ingénieur à Tokyo.
  • le prix du mètre carré de bureau à Sydney ou à Melbourne est 40 % moins cher qu’à Singapour. Les charges fixes supportées par une entreprise en Australie sont globalement inférieures de 40 % par an à celles que supporteraient cette entreprise ailleurs en Asie.

Une porte ouverte sur les marchés asiatiques

L’Australie occupe une position géographique stratégique à l’heure où investir dans la zone Asie-Pacifique devient un impératif pour les grandes entreprises mondiales : cette région qui représente aujourd’hui 30 % du commerce mondial enregistre des taux de croissance record, trois fois plus importants qu’à l’ouest et renferme encore un énorme potentiel de croissance. L’Australie tente de s’intégrer au reste de l’Asie et pousse activement à l’institutionnalisation du Forum de Coopération Economique Asie-Pacifique, l’Apec, dont elle a été, avec le Japon, le promoteur actif et reste la locomotive. Cette organisation initiée par l’Australie en 1989 a pour objectif d’accroître la coopération économique en Asie-Pacifique pour ouvrir les échanges internationaux. A la différence de l’Union Européenne, les dix-huit pays membres ont des profils très hétérogènes sur les plans sociaux, culturels, économiques et politiques. Des super puissances comme le Japon et les Etats-Unis, partisans du libre échange, cohabitent avec des pays insulaires en voie de développement comme la Corée, qui désirent prendre leur temps pour déréglementer.

L’Australie peut être un moyen de pénétrer le marché asiatique. Les Australiens ont en effet ouvert des bureaux d’ingénierie et bâti des réseaux commerciaux un peu partout en Asie. Les sociétés européennes qui investissent en Australie veulent conquérir le marché intérieur, déjà non négligeable, et pouvoir s’ouvrir très rapidement sur les marchés asiatiques. C’est la stratégie adoptée par exemple par la Sofres avec l’achat de Franck Small et Associés, première société d’études australienne. Il s’agit pour les entreprises européennes d’un moyen sûr et efficace de rattraper leur retard sur l’Asie.

Le gouvernement australien cherche aujourd’hui à attirer les sièges régionaux des grandes entreprises (Régional Head Quarters Campaign). Pour encourager l’établissement des sièges régionaux pour l’Asie-Pacifique, le programme propose un certain nombre d’incitations, incluant par exemple une accélération des procédures d’immigration, des exonérations fiscales et diverses incitations.

La présence française

La France est aujourd’hui le 11ème fournisseur (6,3 milliards de FF en 1995) et le 21ème client de l’Australie (4,4 milliards de FF en 1995). Le solde commercial entre les deux pays en 1995 était donc de 2 milliards de FF en faveur de la France.

La crise politique entre Paris et Canberra qui a suivi la reprise des essais nucléaires en 1995 n’a pas empêché 1996 d’être la meilleure année commerciale de la France en Australie. La décision de la France de mettre un terme aux essais nucléaires et de signer le traité du Tonga (Traité de Dénucléarisation du Pacifique Sud) laisse entrevoir des perspectives nouvelles de collaboration entre les deux pays.

Les pionniers français en matière d’investissements en Australie sont les entreprises lainières, à la fin du siècle dernier, accompagnées alors dans leur démarche par l’ancêtre de la BNP. La présence française est restée faible jusqu’au début des années quatre-vingts. Les grands groupes français en quête de débouchés internationaux partent alors à la conquête du marché australien. En 1987, on recense ainsi 80 sociétés françaises sur le territoire australien, contre 37 en 1980. Elles sont aujourd’hui plus de 200. 43 % d’entre elles ont été créées entre 1990 et 1996. Le montant des investissements français a aussi considérablement augmenté : il a plus que doublé en six ans pour atteindre près de 3 milliards de A$ en 1996. Aujourd’hui, la France est le 13ème pays investisseur en Australie.

Lettre de l’Union UCCIFE
N° 60, 2ème trimestre 1997