" Jean-Baptiste Doumeng m’a dit un jour : si tu veux faire des affaires avec
les Russes, il faut les aimer. La formule est lapidaire, mais elle est juste.
Certes, les choses ont changé depuis la disparition de l’URSS. Les rapports commerciaux
se sont normalisés, occidentalisés, mais le facteur humain reste très important.
C’est inscrit dans la culture, un peu comme chez nous. " Patrick de Stoutz
éprouve quelques difficultés à distancier son regard sur la Russie tant il connaît
ce pays, qu’il fréquente depuis plus de 25 ans. Pour le patron d’Actini International,
société spécialisée dans la réalisation d’équipements pour l’industrie alimentaire,
le commerce avec la Russie n’est ni plus ni moins difficile qu’ailleurs, pour
peu que l’on dispose d’un bon carnet d’adresses.
" Mon premier voyage en Russie date de 1972. A l’époque, Actini SA vendait
des stérilisateurs aux centrales d’achats soviétiques. Les Russes étaient de
bons clients, toujours très rigoureux. Ce sont, en règle générale d’excellents
techniciens ". Au milieu des années 80, Patrick de Stoutz comprend que
quelque chose est en train de changer dans l’empire soviétique. " Je l’ai
tout d’abord remarqué en Bulgarie, où étaient tentées les premières expériences
d’ouverture et de privatisation. Cela voulait dire que les Russes testaient
discrètement de nouvelles formules. J’ai donc choisi de réactiver mes réseaux
à Moscou pour être prêt le jour venu. " Le patron d’Actini n’a pas eu à
attendre longtemps puisque la libéralisation est intervenue très rapidement.
" Nous avons bénéficié d’une période propice pendant quelques années. Avec
l’effondrement des entreprises d’état il a fallu équiper de nombreux kolkhozes
en petites unités de conditionnement. Nous avons ainsi installé une trentaine
de laiteries, jusqu’en Sibérie orientale, en trois ou quatre ans. " Pour
décrocher ces marchés, Actini a dû faire preuve de souplesse, d’imagination
et s’adapter au contexte local. " Il s’agissait généralement d’industrialiser
des produits traditionnels. Il fallait donc concevoir de petits équipements
qui produisent des conditionnements souples et peu onéreux. Nous avons, par
exemple, réalisé une unité pour un produit spécifique, le Kéfir, un lait fermenté
acidifié. "
L’activité se développant, Actini International choisit après quelques années,
d’ouvrir un bureau à Moscou, sans toutefois recourir à un expatrié. " En
Russie on trouve sans difficultés des gens capables, bien formés, parlant le
français. L’installation d’un expatrié ne se justifiait pas pour une petite
entreprise comme la nôtre. " Patrick de Stoutz précise cependant qu’il
effectue de fréquents séjours sur place et qu’il dispose à Moscou d’un solide
réseau de relations. " Il faut savoir qu’après l’effondrement de l’URSS,
les gens se sont mis à travailler en confiance avec les quelques interlocuteurs
qu’ils connaissaient. C’était en quelque sorte un marché épidermique. C’est
encore le cas dans certaines républiques satellites. Dans d’autres endroits,
le système des centrales d’achat n’a quasiment pas bougé. "
Dans l’ensemble, toutefois, les relations commerciales se sont normalisées
et s’apparentent à celles qui ont cours en Europe. " La différence principale
tient aux montages financiers. Les entreprises sont, pour la plupart, très jeunes
et n’offrent pas les garanties exigées par la Coface. Elles sont donc contraintes
de payer cash ou par simples lettres de crédit. C’est un peu juste pour les
équipements importants. Il faudrait avoir des possibilités de financements sur
trois ou quatre ans. "
Patrick de Stoutz est plutôt optimiste sur le devenir des échanges entre la
France et la Russie. " Les choses ont évolué dans le bon sens depuis plusieurs
années, sans faire trop de dégâts, contrairement à ce que l’on entend ici ou
là et les Français bénéficient là-bas d’un a priori positif, qu’ils utilisent
assez mal. Il y a quelque chose qui nous rapproche beaucoup des Russes, c’est
notre sens de l’humour. Nous sommes très proches d’eux de ce point de vue et
nous ne le mesurons pas assez. Cela m’amène à donner un conseil aux jeunes gens
qui souhaitent travailler en Russie. Il ne faut jamais perdre son sang-froid,
jamais se montrer stressé pour les petites choses de la vie. Il faut conserver
son sens de l’humour en toutes circonstances. L’expérience montre que les choses
finissent toujours par s’arranger. "
Patrick de Stoutz
Président Directeur Général
Actini International