" Au cours d’une journée à Moscou, on traverse plusieurs univers qui ont
peu de rapports entre eux. De l’ami russe qui vous convoie en voiture à l’ingénieur
de haute volée provenant du complexe militaro-industriel, en passant par le jeune
banquier aux dents longues, on passe sans cesse d’un monde à l’autre. Une chose
est sûre, il ne faut pas espérer faire du business seul. La première démarche
consiste à trouver un représentant local, sélectionné avec soin, en qui vous pouvez
avoir un minimum de confiance. " Yann Lazennec ne cache pas une certaine
fascination pour la Russie, ce pays en pleine mutation, où s’affichent de la manière
la plus crue les situations les plus contrastées de cette fin de vingtième siècle.
L’aventure de Gemplus en Russie illustre bien ce contraste permanent. " A
Moscou on trouve l’un des réseaux téléphoniques publics les plus vétustes de la
planète, alors qu’à Saint-Petersbourg un opérateur privé vient d’installer 500
cabines qui fonctionnent avec nos cartes à puces. "
Aujourd’hui directeur des opérations internationales de Gemplus pour l’Europe
du Sud et une partie de l’Asie, Yann Lazennec a été le premier " Gemplussien
" à se promener en Russie au début des années quatre-vingt dix. La société
française cherchait alors des débouchés pour ses cartes à puces dans le domaine
de la téléphonie et des banques. " A l’époque il s’agissait uniquement
de signer des contrats de distribution. Nous avons lancé un recrutement et trouvé
un Français qui parlait russe. Ce qui m’a le plus marqué dans un premier temps
c’est, la grande intelligence de nos interlocuteurs, on trouve facilement des
développeurs d’excellent niveau, le côté obsolète des moyens industriels et
le délabrement des infrastructures dans tous les domaines. "
En quelques années, toutefois, Yann Lazennec a vu se créer un monde d’industriels,
de banques privées qui ont bouleversé le paysage. " Les choses ont bougé,
surtout dans le domaine de la téléphonie. Sans doute en raison des bons rapports
entretenus par France Télécom et l’administration locale. Les banques évoluent
plus lentement, mais il y a actuellement beaucoup d’ébullition dans ce secteur
et les projets se multiplient ces derniers temps. Nous sommes, parfois, confrontés
à l’administration qui regarde nos produits avec suspicion. Les cartes à microprocesseurs
sont encore considérées comme des produits à risques dans un pays où tout ce
qui tourne autour de la cryptographie reste sensible. Cela dit les organismes
officiels avec qui nous travaillons sont tout à fait crédibles et ce sont des
gens avec qui il est possible de négocier. "
La société française a ouvert un bureau à Moscou en 1996. Il s’agit d’une filiale
commerciale de type "branch office" animée par un expatrié, une secrétaire
francophone et deux techniciens russes. Gemplus, après avoir consulté le Poste
d’Expansion Economique de Moscou a fait appel à un cabinet américain pour réaliser
les montages juridiques et financiers. L’expatrié est en fait un salarié de
la société française, détaché en Russie, qui bénéficie d’une couverture sociale
française. " Cela dit, nous nous orientons vers l’embauche de personnel
local, tout à fait capable d’assurer la commercialisation de nos produits. "
La filiale travaille en francs et en dollars et demande à ses clients d’effectuer
le paiement par avance quand elle ne fonctionne pas par lettres de crédits.
" Etant donné que nous ne sommes pas importateurs, ce sont nos clients
qui passent eux-mêmes leurs commandes à nos unités de production en France ou
en Allemagne ; ainsi nous n’avons pas de problèmes de dédouanement. "
Restent les problèmes pratiques, qui rendent parfois la vie difficile à Moscou,
tel le prix prohibitif des loyers. " Quand je me rendais sur place, je
louais un petit appartement en dollars et je me déplaçais avec une connaissance
qui possédait une voiture. En terme d’organisation, c’est encore l’amateurisme
le plus complet. " Yann Lazennec n’hésite pas à utiliser quelques formules
imagées pour résumer son sentiment sur l’ambiance qui règne à Moscou : "
Les Russes ne jouent pas la même musique que nous. Ils sont adeptes d’un certain
romantisme slave. Ce n’est pas désagréable, mais il est capital de bien supporter
la vodka. "
Yann Lazennec
Directeur des Opérations Internationales
Gemplus