STRUCTURES JURIDIQUES DISPONIBLES POUR UNE IMPLANTATION EN RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
Auteur : Avocat au Barreau tchèque
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Le choix d’une structure juridique appropriée est une étape incontournable de l’implantation en République Tchèque et un élément fondamental pour y exercer une activité avec efficacité.

S’il s’agit simplement d’exporter vers la République Tchèque des biens qui y seront commercialisés par une entreprise tchèque existante, il n’y a bien entendu pas lieu de créer une structure ad hoc.

En revanche, l’exercice direct d’une activité sur place exige soit la constitution d’une société "tête de pont", soit d’une succursale.

Il faut bien noter que toute personne physique ou morale, tchèque ou étrangère, souhaitant exercer à titre indépendant une activité continue en République Tchèque, doit préalablement obtenir une autorisation d’exercice d’activité auprès du Registre des Métiers local, sous forme d’un certificat (activité libre) ou d’une licence (activité contrôlée).

De plus, les fondateurs doivent désigner une personne "liée à la société" qui sera responsable du respect de la réglementation en vigueur dans le domaine d’activité de la société. S’il n’est pas Tchèque ou Slovaque, ce responsable devra faire la preuve, lors d’un examen, qu’il parle et comprend le tchèque.

Mais l’entreprise qui cherche à s’installer en République Tchèque doit se demander quelle est la structure juridique optimale pour son implantation. Outre des considérations économiques ou de gestion, une étude de la réglementation applicable aux différentes structures permettra de guider le choix.

Dans le cadre de cette étude, nous envisageons successivement l’établissement d’une succursale, puis la constitution d’une société, qu’elle soit à responsabilité limitée ou anonyme. Enfin, un examen des règles fiscales tchèques qui régissent ces entités finira de dresser le tableau de la législation.

Attention, cependant : dans le domaine fiscal, plus encore que dans le domaine juridique, il faut être conscient de l’évolution extrêmement rapide de la réglementation. Aussi les entrepreneurs désireux de s’installer en République Tchèque devraient-ils s’adresser à un professionnel qualifié pour s’assurer que les modifications intervenues ne constituent pas un obstacle majeur.

L’ouverture d’une succursale

Le code de commerce tchèque définit la succursale (" organizacni slozka ") comme "une composante de la structure organisationnelle de l’entreprise, enregistrée comme succursale au Registre du Commerce. Dans le cadre de ses activités, la succursale utilise la dénomination de l’entreprise complétée de l’indication qu’il s’agit d’une succursale".

Une succursale n’est pas une personne juridique autonome, même si elle a la personnalité comptable et fiscale.

Ainsi, même si l’enregistrement au Registre du Commerce est obligatoire, la succursale engage la responsabilité de la société mère par tous ses actes et pour toutes ses obligations.

Le directeur étranger doit être titulaire d’un permis de séjour.

La succursale est une des structures la plus choisie pour une implantation en République Tchèque, à cause du formalisme assez réduit lors de sa création et de sa souplesse de fonctionnement. Ainsi, et c’est en cela que la succursale au sens du droit tchèque s’entend différemment du droit français, sa création en République Tchèque ne requiert aucune constitution de capital.

En revanche, puisqu’elle n’a pas la personnalité morale, la succursale peut se révéler être inappropriée s’il faut acquérir un patrimoine immobilier pour les besoins de son activité. En effet, il n’est pas possible pour une personne physique ou morale étrangère d’acquérir un titre de propriété immobilière, sauf certaines exceptions restreintes, principalement en cas de transmission de patrimoine à la suite d’un décès. A contrario, une personne morale de droit tchèque est libre de devenir propriétaire immobilier en République Tchèque.

La société à responsabilité limitée

La société à responsabilité limitée ("spolecnotst rucenim omezenym", en abrégé "s.r.o.") est assez proche de la SARL française.

Structure souple aux règles de fonctionnement simples, la s.r.o est particulièrement adaptée aux petites et moyennes entreprises. Elle peut être créée par un seul associé avec un capital minimum de 100 000 couronnes tchèques. Contrairement au droit français, chaque associé ne détient qu’une seule part, mais la taille de cette part varie en proportion de son apport.

Cette société a toutefois un caractère fermé. Le transfert des parts sociales au sein des s.r.o est très formaliste (nécessité de prévoir dans le contrat de fondation ou les statuts, les modalités de cession à un tiers et de rédiger des actes notariés signifiés à la société et enregistrés au Registre du Commerce).

Un associé peut de surcroît être "prisonnier" de la société (impossibilité de céder ses parts en cas de refus de l’Assemblée Générale).

En revanche, cette société se distingue de la SARL de droit français par la possibilité d’adjoindre à la gérance un Conseil de Surveillance.

La création d’une s.r.o requiert la conclusion d’un contrat de fondation (ou d’un acte de fondation dans le cas d’une société unipersonnelle) authentifié par un notaire. Ces règles de fonctionnement peuvent toutefois être rassemblées dans des statuts distincts du contrat de fondation.

La participation aux bénéfices est similaire au droit français. De même, en principe, comme en droit français, les associés participent aux pertes dans la limite de leur apport au capital social. Cependant, par exception, le contrat de fondation peut accorder à l’Assemblée Générale le droit d’obliger les associés à contribuer proportionnellement aux pertes de la société dans la limite de la moitié du capital social. Si un associé ne respecte pas cette obligation, la société peut décider son expulsion.

La s.r.o peut avoir un ou plusieurs gérants, habilité(s) à agir seul(s) au nom de la société. Si les statuts ou le contrat de fondation le prévoient, la société ne sera engagée que si les cogérants ont agi conjointement (système de signature conjointe). Comme en droit français, les limitations des pouvoirs des gérants ne sont pas opposables aux tiers.

Le gérant étranger doit être titulaire d’un permis de séjour.

Le gérant est soumis à une obligation de non-concurrence vis-à-vis de sa société, comme les statuts le prévoient. Ainsi, la société est en droit d’exiger du gérant la restitution des bénéfices réalisés en violation de son obligation de non-concurrence.

L’Assemblée Générale peut également nommer un procuriste aux pouvoirs plus limités mais qui bénéficie d’un plein pouvoir général pour tous les actes liés au fonctionnement de la société.

Le contrat de fondation peut également prévoir la création d’un Conseil de Surveillance de trois membres au moins. Le Conseil de Surveillance a des fonctions de contrôle de l’activité des gérants et de vérification des documents commerciaux et comptables.

Il a désormais obligation de déposer les comptes sociaux annuels au Registre du Commerce, mais pas de nommer un Commissaire aux comptes.

Il y a en revanche une obligation de faire auditer les comptes de la société, lorsque le chiffre d’affaires est supérieur à 40 millions de couronnes (8 millions de FF) ou lorsque les capitaux propres de la société sont supérieurs à 20 millions de couronnes (4 millions de FF).

Il faut enfin noter que dans le cas d’une société unipersonnelle, les Assemblées Générales sont remplacées par des actes authentifiés.

La société anonyme

La société anonyme "akcieva spolecnost" en abrégé "a.s" est obligatoirement dotée d’un Directoire et d’un Conseil de Surveillance (comme la SA de droit français d’un Conseil de Surveillance). Pour cette raison, la société anonyme est généralement le cadre retenu pour les sociétés ayant une activité institutionnelle (banques, assurances, sociétés financières) ou un chiffre d’affaires plus important.

Il s’agit d’une structure lourde (six personnes physiques au minimum sont nécessaires pour assurer le fonctionnement du Directoire et du Conseil de Surveillance).

Dans tous les cas, il y a signature d’un contrat de fondation, sauf s’il n’y a qu’un seul actionnaire (obligatoirement une personne morale), qui signera un acte de fondation. Les apports peuvent être en numéraire ou en nature et peuvent n’être libérés qu’à hauteur de 30 %. Si la société a un fondateur unique, ce dernier n’est pas tenu de libérer la totalité de son apport, contrairement au fondateur unique d’une s.r.o.

Les actions peuvent être matérialisées ou non, nominatives ou au porteur et peuvent avoir des valeurs nominales différentes. Le capital minimal est de 1 million de couronnes (200 000 FF).

La responsabilité des actionnaires est limitée au montant de leurs apports. Les bénéfices sont distribués une fois par an en proportion de la part dans le capital, sauf pour les détenteurs d’actions à dividende prioritaire ouvrant un pourcentage fixe supérieur.

Une offre publique d’achat est obligatoire lors du franchissement par un actionnaire de certains seuils de participation. Les actions sont en principe librement cessibles, sauf limitation statutaire.

Le Directoire est l’organe exécutif de la société. Il assure la gestion des affaires, sous le contrôle du Conseil de Surveillance. Les membres de ces deux organes peuvent ne pas être actionnaires.

Dans toutes les a.s., les comptes doivent être audités par un Commissaire aux comptes, en outre, dans celles qui font appel public à l’épargne, ces comptes doivent être publiés dans le Journal Officiel tchèque.

Le formalisme inhérent à la création de la société et la nécessité de prévoir dans le détail, les modalités de fonctionnement du Directoire, rendent la constitution et le fonctionnement de l’a.s. assez lourds, mais la loi laisse une grande souplesse aux fondateurs, pour la création de catégories d’actions et leurs modalités de cession.

Dispositions fiscales générales

Les sociétés commerciales immatriculées en République Tchèque sont imposées sur leurs revenus mondiaux. Les revenus imposés à l’étranger peuvent donner lieu à un crédit d’impôt. Les entreprises étrangères qui réalisent un bénéfice en République Tchèque seront imposées sur ce revenu uniquement.

L’assiette de l’impôt pour une société qui contracte en son nom propre, est grosso modo le revenu comptable, les retraitements pour obtenir le résultat fiscal étant peu nombreux. En revanche, pour une succursale, l’impôt est assis sur une fraction variable du chiffre d’affaires réalisé par la société-mère grâce à l’activité de sa succursale.

Dans tous les cas, il est recommandé d’obtenir un ruling de l’administration fiscale avant toute opération pouvant modifier les données fiscales de l’entreprise.

Le taux actuel de l’impôt sur les bénéfices des sociétés est de 39 % ; il y a de fortes chances que ce taux soit abaissé pour l’exercice 1998 à 35 %.

Il existe d’autres formes juridiques en droit tchèque, mais dont les caractéristiques correspondent moins aux désirs des entreprises étrangères : il s’agit notamment de l’association, la société en nom collectif, la société en commandite simple et les coopératives.

Ondrej Peterka
Avocat à la Cour de Paris
Avocat au Barreau tchèque