"L'une de nos plus grandes surprises fut de voir la motivation et la réactivité
des managers polonais. Ils ont une véritable soif de réussir. Lorsque nous nous
sommes installés en 1989, nous avons recruté un professeur de français chargé
d'enseigner notre langue. Aujourd'hui, tout le staff parle couramment le français",
observe Charles Baudron, directeur général du groupe IGE-XAO, spécialisé dans
l'édition de logiciels de CAO, dans le domaine de l'électrotechnique. "Sans
cette implantation en Pologne, nous n'existerions sans doute plus aujourd'hui.
A qualité égale, nos coûts de production ont pu être divisés par cinq", confie-t-il.
Et pourtant, la venue en Pologne du groupe IGE-XAO est presque due au hasard.
"Nous réfléchissions à délocaliser la production de logiciels. C'est la
rencontre d'un ami polonais qui a provoqué le déclic. C'était avant que le mur
ne tombe. Aujourd'hui, les choses ont considérablement évolué. Si bien qu'il
y a, à présent, très peu de différence avec une implantation dans un autre pays
européen." A l'époque, aucun salarié ne disposait de compte chèque ni de
compte bancaire. "Le jour de la paie, on transportait dans une mallette
le liquide nécessaire à la rémunération d'une centaine de personnes."
IGE-XA0 a toujours travaillé avec les banques polonaises. Autrefois aléatoires,
les transactions bancaires ou liaisons téléphoniques sont devenues identiques
à celles de tout pays européen. Au niveau législatif, du droit des sociétés
par exemple, c'est la même chose. Le dédouanement qui autrefois prenait trois
semaines se règle aujourd'hui en deux ou trois jours. "Une augmentation
de capital n'est pas plus compliquée qu'ailleurs. Le plus difficile reste l'acquisition
de biens immobiliers qui implique d'obtenir des autorisations administratives
au préalable."
"Au départ, nous nous installions en Pologne avec l'idée de faire de la
recherche à l'Est pour vendre à l'Ouest", explique Charles Baudron. De
fait, l'entreprise recrute une dizaine d'ingénieurs, issus de l'école polytechnique
de Cracovie. Durant deux ans, ils seront formés par IGE-AXO, sur des projets
non stratégiques. Soit en venant en France, soit par l'intermédiaire d'ingénieurs
français envoyés en Pologne. Même s'il faut faire face à un turn-over important,
le personnel de l'entreprise sera exclusivement polonais. "Avec l'expansion
du pays, ils n'ont pas l'angoisse du chômage et veulent goûter à tout."
Et puis, à l'époque les Français ne se battaient pas pour venir en Pologne.
"De toute façon, les gens sortent bien formés des écoles d'ingénieurs.
L'adaptation technologique s'est faite sans problème." Si bien, d'ailleurs,
que l'entreprise va faire évoluer sa stratégie.
"Nous sentions que le métier d'éditeur de logiciels allait passer du stade
artisanal au stade industriel. Or, cette notion était difficilement acceptée
par les ingénieurs français de la recherche et du développement qui étaient
des passionnés dans l'âme." L'expansion économique de la Pologne va inciter
l'entreprise à vendre ses produits non plus exclusivement vers l'Ouest mais
aussi en Pologne où la demande s'accentue. Désormais, les neuf filiales du groupe
IGE-XAO s'appuient sur la production polonaise installée sur deux sites, l'un
à Cracovie, l'autre à Gdansk. Un effectif de cent quarante personnes composé
d'une quarantaine de commerciaux. "L'un des problèmes réside dans les temps
de communication entre les villes de Pologne. Sur la route, les commerciaux
vont mettre deux fois plus de temps qu'ils ne le feraient en France. Les réseaux
routiers, aériens, ferrés n'ont aucun rapport avec les nôtres. Ils sont en cours
de modernisation, mais c'est très long. De même, l'infrastructure hôtelière
ne propose pas de chaînes de niveau intermédiaire. Ce sont, soit des hôtels
de luxe pour le tourisme, très chers pour le niveau de vie polonais, soit rien."
Souvent, les commerciaux polonais sont obligés de rentrer chez eux le soir.
"Nous ne pouvons donc pas appliquer les mêmes ratios de visites ou de prospections
qu'en France."
En quelques années, IGE-XAO est devenu leader des éditeurs de logiciels de
CAO devant un concurrent allemand. " Grâce aux Polonais qui dirigent la
filiale ", précise Charles Baudron. " Sans eux, cela aurait été beaucoup
plus difficile, la Pologne demeurant une terre de sous-traitance pour l'Allemagne.
" En huit ans, IGE-XAO a investi sept millions de francs en Pologne. Le
chiffre d'affaires du groupe est passé de 15 à 60 MF. "Si c'était à refaire,
j'investirais davantage au départ", reconnaît Charles Baudron, qui avoue
qu'aimer la vodka constitue un petit plus dans les relations franco-polonaises.
Charles Baudron
Directeur Général
Groupe IGE-XAO