TRAVAILLER AVEC DES POLONAIS
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La France et la Pologne ont une longue histoire commune. Cependant, hormis quelques cas isolés, les relations entre les deux nations n’ont jamais entraîné une réelle connaissance mutuelle.

Cette méconnaissance de l’autre, renforcée par le piège d'une relative proximité géographique, a été la cause principale d’un certain nombre de problèmes au sein des sociétés franco-polonaises, à commencer par le non-aboutissement du processus de privatisation.
Les exemples de réussite confirment que le management des différences culturelles est un facteur incontournable du succès.

La position géographique, le climat, l’histoire mais aussi la langue ont forgé dans chaque pays une culture spécifique. Celle de la France est plutôt extravertie, masculinisée, avec un grand penchant pour la forme. En Pologne, ces trois pôles trouvent un écho opposé, à savoir : l’introversion, un certain matriarcat et l’importance du fond.

La relation au pouvoir est un des facteurs fondamentaux du fonctionnement de chaque société ; en France le pouvoir a une forte légitimité, tandis qu’en Pologne il est plutôt subi et doit donc faire ses preuves pour être accepté. Le modèle centraliste, cher à la France, fait sourire amèrement les Polonais qui y voient un parallèle avec les périodes difficiles du passé récent, voire du présent.

Dans les grandes entreprises en France, les changements des quinze dernières années amenés par les processus de reconfiguration et de restructuration ont influencé les mentalités des salariés et des cadres. En revanche, en Pologne, les anciennes entreprises fonctionnent toujours selon le système taylorien doublé d'un certain "esprit fonctionnaire".

Il ne faut pas cependant en tirer de conclusions hâtives ; les changements récents dans la société polonaise ont été révolutionnaires et ont diminué la résistance au changement qui demeure plus faible qu’en France. De même, l’individualisme des Polonais étant moins marqué, une recherche d’un idéal commun et une vraie capacité de travail en groupe permettent aux salariés polonais de s'adapter aux techniques et systèmes de travail les plus avancés.

Mais attention, ce potentiel ne peut se développer qu’avec les compétences de managers du plus haut niveau et préparés mentalement à ce mode de travail.
La gestion d’une entreprise en Pologne demande aussi bien à son directeur qu’à ses managers des qualités particulières : flexibilité, audace, capacité décisionnelle et en même temps disponibilité, ouverture et rapprochement avec les salariés ; or, ces qualités ne font pas toujours partie du modèle relationnel français.

Aujourd’hui, le choc des cultures est double : émergence d’une nouvelle culture de travail et présence d’étrangers avec leurs cultures respectives.

Le choc culturel est vécu différemment par les Polonais, selon qu'ils sont managers confirmés ou qu'ils font partie de la jeune génération. Les premiers, en plus de la différence culturelle "nationale", sont confrontés à des différences dans les méthodes et le rythme de travail. Pour les seconds, le choc culturel vis à vis des Français est dû avant tout à leur situation sur le marché du travail. Ces jeunes sont souvent bien formés, mobiles et exigeants, sorte de "golden boys" pas toujours faciles à gérer pour un patron français habitué à la stabilité et aux règles d’évolution de carrière qu’il a connues.

Les trois constats suivants peuvent servir de conclusion :

- Nier la différence culturelle est tout simplement dangereux. Ceci ne veut pas dire qu’il faut attribuer une raison culturelle à toute insuffisance ou incapacité de management, quelle que soit la nationalité du manager.
- Le vrai risque du choc culturel intervient à partir du moment où l’on croit avoir compris "comment ça marche".
- Les comportements dogmatiques vis-à-vis de la culture en appellent d’autres chez nos interlocuteurs. Or les responsables des sociétés qui réussissent vraiment ont su bénéficier de la richesse de chacune des deux cultures, tout en appuyant leur activité sur la notion des valeurs communes, sur une bonne communication et sur le bon sens.

Par Marek SABELA
Consultant spécialiste de la Pologne