L'implantation suédoise du groupe Olaer, fabricant de composants hydrauliques,
s'est faite "à la Scandinave". En quelques mois, le groupe Olaer, a
fait main basse sur le réseau de distribution allemand concurrent. " Je crois
qu'ils n'y ont pas cru. Pour eux, les Français sont des antiquaires. Les Allemands
disaient : les Français viennent voir si les Suédoises sont toujours aussi belles
", raconte Richard Baena, dont l'installation à Stockholm s'est faite il
y a trois ans. " Par le biais de notre développement, nous nous sommes rendus
compte qu'au sein de nos marchés italien, belge, suisse, espagnol, beaucoup de
produits étaient fabriqués en Suède. Nous sommes allés valider nos chiffres de
marché et quand on a vu les potentiels suédois et norvégiens, nous avons tout
de suite accroché.
Au regard du marché nordique, il valait mieux tout de suite monter une infrastructure
en Suède, Finlande et Norvège, tant les marchés sont liés. Là-bas, notre concurrent
allemand, d'une taille identique à la nôtre, était déjà implanté. Nous avons
observé les réseaux, les systèmes de distribution. Très vite, il a fallu choisir
entre créer ou acheter. "
Si la langue n'a pas constitué une barrière, en revanche l'éloignement et les
différences culturelles sont apparues problématiques. " Ils sont très transparents
sur l'activité de l'entreprise avec leurs employés. Il faut bien le gérer. Et
ce sont des gens durs en affaire. Avec eux tout se discute. Quand on lance un
produit, on reprend tout à zéro alors qu'en Espagne, on dit OK. " Faute
de trouver le profil adéquat dans le groupe Olaer pour piloter l'implantation
scandinave, Richard Baena a repris la philosophie du groupe. "Faire gérer
un pays par quelqu'un du pays." Ce qu'il a fait pour les vingt-trois filiales
du groupe.
" Sur place, nous avons observé ce qui existait. Nous avons vu que notre
concurrent allemand avait développé un réseau de distribution. Nous avons acheté
tout le réseau et basculé nos produits dedans. " Les propriétaires du réseau,
des entrepreneurs suédois, ont vite compris qu'ils pouvaient réaliser du capital.
" Nous avons simplement dit, si l’on achète, vous restez. L'erreur des
Allemands est de ne pas avoir pris le contrôle de la société. Pour nous, cela
nous évitait une fastidieuse et coûteuse opération de construction. Là-bas,
on ne connaît pas les administrations, les consultants extérieurs coûtent cher.
De plus, aller en Suède dans la journée n'est pas possible. Avec ce rachat,
nous avons pris le contrôle du marché. Plutôt que de prendre l'option de 20
%, puis 30 %, puis 40 %, nous avons mis le paquet tout de suite. " Facile?
Pas autant que ça tout de même. Les négociations vont durer neuf mois et offrir
quelques surprises.
" D'abord, nous étions un groupe qui achetait de petites entreprises.
Il a fallu expliquer longuement les contraintes du groupe, en terme d'audit,
de dépôts de fonds. Toujours dans ce type de structure, les avocats participent
pour rédiger les contrats. Or, on a découvert que pour des problèmes de fiscalité,
de frais ou de salaires, tous les propriétaires d'entreprises privées ont des
holding à eux, parfois détenus par leur femme. Il nous a fallu acheter la totalité
de ces sociétés. Huit, que nous avons juridiquement fusionnées. C'est un truc
de fou qui a pris beaucoup de temps. C'est un moyen de refacturation utilisé
par les Suédois pour éviter les impôts. Mais c'est connu de l'Etat.
Ensuite, il a fallu se faire à leur mode de communication en interne. Tout
est transparent. J'ai vraiment été étonné. Il n'y avait pas de syndicat dans
l'entreprise, mais une réunion mensuelle d'information extrêmement formelle
où l'on met tout sur la table. Elle est attendue avec impatience et sur telle
ou telle décision, ça discute. Alors qu'en France... bon..., on ne dit pas tout,
quoi... " L'ensemble des cinquante-huit personnes a été conservé lors du
rachat. " Très vite, ils ont vu ce que l’on voulait faire, pourquoi et
que l'on allait mettre en place une équipe suédoise et non envoyer des gens
de chez nous. Cela a eu un impact extrêmement bon. C'est la seule filiale où
je ne suis pas président. "
" Au point de vue de la formation des hommes, c'est extraordinaire. Un
gars qui entre dans votre boîte, pour lui, l'informatique est un truc normal.
Vous lui mettez Windows 95, Internet, il est parti. Ils sont très forts. Et
s'intègrent très vite à des sociétés multinationales. Ce sont des gens qui comprennent
très vite le monde par rapport à d'autres pays où les gens restent bloqués dans
leur coin. Cela fait partie de leur culture. Il n'y a que six millions d'habitants.
Il faut qu'ils exportent. "
L'entreprise a gardé son nom Oiltech et continue de travailler avec des banques
suédoises. " On a repris les lignes de crédit existantes sans avoir à apporter
de garanties particulières. Les équipes sont suédoises. Ce sont des Suédois
qui parlent à des Suédois. " Dans l'histoire, seuls les produits ont changé.
Saine, l'entreprise a tout de suite fonctionné. En cinq ans, Oiltech a grandi.
Les Suédois ont eux-mêmes créé deux filiales en Norvège et Finlande. A l'époque,
cinquante millions de francs ont été investis dans cette opération par autofinancement.
Dès les deux premières années, les profits ont permis de rembourser l'acquisition.
Aujourd'hui, Oiltech a permis au groupe Olaer d’augmenter ses ventes. La seule
Scandinavie compte pour 17 % du chiffre d'affaires. " Nous avons dû passer
beaucoup de temps à nous faire connaître. Il a fallu déplacer trois conseils
d'administration, tous les dirigeants du groupe. Il était important que les
gens nous voient, que nous ne restions pas le holding. Je crois que l'on a conquis
l'entreprise par les relations instaurées avec le personnel plus que par le
produit ", observe Richard Baena, qui s'attaque depuis un an à la Chine.
" Mais là, dit-il, ce n'est pas le même tintouin ! "
Richard Baena
Président
Groupe Olaer